PREPARE : La prévention de la radicalisation dans le cadre de la probation et de la sortie de prison

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European Forum for Urban Security

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>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Ce guide présente un panorama et une évaluation des stratégies et plans de plusieurs pays européens pour prévenir la radicalisation dans le cadre de la prison, de la probation et de la libération et met l'accent sur le rôle des autorités locales en la matière. En outre, il identifie des pratiques prometteuses de réintégration et de réhabilitation. Il comprend un état de l'art dans sept pays européens, la présentation de neuf projets pilotes locaux innovants mis en œuvre par des municipalités européennes, et propose des avancées pour que les autorités locales soient mieux équipées pour resocialiser les délinquants et prévenir la radicalisation dans le cadre de la probation et de la sortie de prison. Publié par le Forum européen pour la sécurité urbaine (Efus selon le sigle en anglais), ce document est le résultat du projet PREPARE - La prévention de la radicalisation dans le cadre de la probation et de la sortie de prison (« Preventing Radicalisation in Probation and Release »), mené entre 2017 et 2019. Il a été rédigé par Moritz Konradi (chargé de mission) et Maria Lozano (expert externe) sous la supervision d'Elizabeth Johnston (déléguée générale) et Carla Napolano (déléguée générale adjointe) et avec la contribution des partenaires du projet. L'usage et la reproduction sont libres de droits s'ils sont effectués à des fins non commerciales et à condition que la source soit spécifiée. Traduction/Révision : Nathalie Bourgeois Relecture : Philippe Parmentier Mise en page : Marie Aumont Impression : Technicom, Boulogne-Billancourt ISBN : 978-2-913181-76-7 Dépôt légal : novembre 2019 Forum européen pour la sécurité urbaine 10, rue des Montiboeufs 75020 Paris - France Tél.: + 33 (0)1 40 64 49 00 contact@efus.eu - www.efus.eu

Cette publication a été financée par le Programme Justice de l'Union européenne (2014-2020). Son contenu n'engage que la responsabilité des auteurs. La Commission européenne n'accepte aucune responsabilité pour l'utilisation qui pourrait être faite des informations qu'elle contient.


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Remerciements

>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Le projet PREPARE a été conduit grâce à l'implication et la contribution des partenaires et partenaires associés, qui ont apporté leur expertise dans les différents domaines couverts par le projet et ont participé à la rédaction de ce guide. Nous les remercions d'avoir généreusement partagé leurs connaissances et leur expérience pour permettre le succès de ce projet. De plus, nous souhaitons remercier tous ceux qui ont contribué aux nombreux événements, projets pilotes locaux, réunions et débats organisés dans le cadre de ce projet. Leur travail inlassable pour prévenir la radicalisation et l'extrémisme violent, et soutenir la réhabilitation et la réintégration de délinquants et criminels, partout en Europe, est une véritable richesse et une source d'inspiration. Nous souhaitons remercier tout particulièrement les collègues et techniciens du Radicalisation Awareness Network (RAN), qui ont invité le projet PREPARE à présenter et débattre de ses enseignements et résultats lors de plusieurs événements et réunions de groupes de travail : les discussions qui ont eu lieu en ces occasions ont eu un impact important sur cette publication. Nous remercions également la Commission européenne pour son soutien financier, sans lequel ce projet n'aurait pas été possible.

Partenaires du projet European Forum for Restorative Justice (« Forum européen pour la justice restaurative ») - EFRJ (Tim Chapman, Edit Törzs, Laura Hein) Belgique ; Denkzeit - Gesellschaft zur Förderung wissenschaftlicher begründeter Methoden psychosozialer Arbeit mit jungen Menschen e.V. (Johann Schabert, Harald Weilnböck) - Allemagne ; Violence Prevention Network - VPN (Ariane Wolf, Julia Reinelt, Anja Rockel) – Allemagne ; Fondation Agir Contre l’Exclusion - FACE (Wided Halaoua, Clément Devillers) - France ; Stiftelsen Fryshuset (Robert Örell, Sigrun Sigurdsson) - Suède ; Gemeente Den Haag (Rob Geerds, Erwin

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Rouwenhorst) - Pays-Bas ; Ayuntamiento de Málaga (Maria Dolores Aguilar del Pino, Maria Dolores Aurioles Florido) - Espagne ; Departament de Justicia de la Generalitat de Catalunya - DJGC (Clara Casado Coronas, Sara Pilar Valdivieso Muñoz, Raquel Robalo Piriz) - Espagne ; Stad Vilvoorde (Hanna Ouled Slaoui, Nadia Belkus, Jessika Soors) Belgique ; Gemeente Rotterdam (Esther Kipp, Ineke Nierstrasz) Pays-Bas ; Commune de Clichy-sous-Bois (Sarah Guettai) - France.

Partenaires associés Confederation for European Probation (Anna Esquerrà Willem van der Brugge) - Belgoque ; Commune d’Avignon Rage, Sébastien Ruel) - France ; Commune de Sarcelles Mahboubi, Farid Bounouar) - France ; Kriminalvården Laitinen) - Suède.

Roqueta, (Johanna (Hichem (Michael

Autres contributeurs Maarten van de Donk (RadarAdvies/RAN, Pays-Bas), Torben Adams (ministère de la Justice et des Affaires constitutionnelles, État de Brême, Allemagne), Lluís Paradell i Fernàndez (Service d'Intelligence et de Contre-Terrorisme, Police de Catalogne, Espagne), Catrin Trautmann et Erich Marks (Congrès allemand de la prévention de la criminalité, Allemagne), Anna Rau (Deutsch-Europäisches Forum für Urbane Sicherheit/Forum allemand et européen pour la prévention de la délinquance, Allemagne), Guelcin Durmus et Ingo Siebert (Comité d'État contre la Violence, État de Berlin, Allemagne), Andreas Schönstrom et Jonas Hult (Ville de Malmö, Suède), Julio Andrade (Centre international de formation pour les autorités et les dirigeants, Málaga, Espagne), Mona Frank (Service pénitentiaire et de probation, Suède), Pierre Berenguer Porcedo (Association Accueil et Culture, France), Bartolomeo Conti (Centre d’étude des mouvements sociaux, EHESS, France), Magid Nasri (Centre Éducatif Fermé de Montfavet, France).

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Sommaire

>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Avant-propos..................................................................p. 8 Introduction.................................................................p. 11 Partie 1 : Prévention de la radicalisation violente dans le cadre de la probation et de la libération de prison État de l'art ..................................................................p. 35 1.1 Belgique.................................................................................. p. 36 1.2 France..................................................................................... p. 42 1.3 Allemagne .............................................................................. p. 46 1.4 Pays-Bas................................................................................. p. 50 1.5 Espagne.................................................................................. p. 53 1.6 Suède...................................................................................... p. 58 1.7 Royaume-Uni......................................................................... p. 62

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Partie 2 : Nouvelles stratégies municipales de prévention - Les projets pilotes PREPARE .........p. 67 1.1 Avignon.................................................................................. p. 68 1.2 Clichy-sous-Bois..................................................................... p. 71 1.3 Gouvernement de Catalogne................................................... p. 73 1.4 Málaga.................................................................................... p. 78 1.5 Rotterdam............................................................................... p. 81 1.6 Sarcelles.................................................................................. p. 86 1.7 Sollentuna / Kriminalvården.................................................. p. 89 1.8 La Haye................................................................................... p. 92 1.9 Vilvorde.................................................................................. p. 96

Partie 3 : Soutenir les autorités locales pour prévenir la radicalisation violente dans le cadre de la libération de prison et de la probation - Réflexions politiques et recommandations ................................................. p. 100

Conclusion ................................................................. p. 121 Guide des ressources................................................. p. 125 Glossaire..................................................................... p. 141

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Avant-propos >>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> La polarisation, la radicalisation et l'extrémisme violent constituent aujourd'hui des sujets de préoccupation majeurs dans le cadre des stratégies de sécurité en Europe. Depuis quelques années, les autorités locales européennes ont dû faire face à divers types d'extrémismes qui, de plus en plus, considèrent la violence comme un moyen justifié d'atteindre leurs buts politiques ou religieux, et représentent une véritable menace contre la sécurité et la cohésion sociale en Europe. C'est un problème particulièrement important au vu de deux tendances : tout d'abord, le fait qu'à partir de 2014, un nombre significatif de citoyens européens ont quitté leur pays pour des zones de guerre telles que la Syrie et l'Afghanistan, dans le but de rejoindre des groupes terroristes, et ont ensuite suivi un entraînement paramilitaire ou ont participé à la planification, la préparation et la réalisation de crimes extrémistes violents. S'il est vrai que cette tendance est aujourd'hui nettement en baisse et que le nombre d'attentats en Europe a diminué, nombre de ces combattants sont maintenant revenus ou sur le point de le faire, ce qui fait que le niveau d'alerte demeure très élevé. En outre, il est de plus en plus clair que la violence et le terrorisme d'extrême-droite ont été largement sous-estimés. Les groupes haineux d'extrême-droite sont de plus en plus organisés et enclins à utiliser des méthodes violentes. De fait, le nombre d'arrestations de délinquants d'extrême-droite par les forces de police à travers l'Europe augmente. Les actes extrémistes et terroristes de toute sorte – qu'ils soient motivés par des idéologies politiques telles que l'extrémisme de droite ou le fondamentalisme religieux comme le djihadisme – ont un fort impact sur le sentiment de sécurité des citoyens. Ils suscitent de la peur, minent la confiance et menacent de nous diviser et de nous polariser. Par conséquent, la question de savoir comment nous traitons ceux qui adhèrent à de telles idéologies et commettent des actes violents est particulièrement chargée. Comment travailler avec des délinquants extrémistes et les aider à se désengager et même se déradicaliser ?

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Comment les empêcher de récidiver ? Comment soutenir la re-socialisation et la réintégration des délinquants extrémistes dans leurs communautés locales ? Comme protéger le public du risque de nouvel attentat résultant du récidivisme ? Ces questions sont d'autant plus urgentes qu'à travers l'Europe, un nombre important de délinquants extrémistes violents ayant purgé leur peine de prison, ainsi que d'individus qui ont pu être radicalisés en détention vont être libérés de prison dans les années à venir. Ceci représente un véritable défi pour le système de justice pénale et le maintien de l'ordre public à tous les niveaux de gouvernement. Face à ces défis, les autorités locales européennes se sont mobilisées ces dernières années pour renforcer leurs politiques de sécurité urbaine, notamment en ce qui concerne la prévention de la radicalisation violente et du récidivisme. Elles ont mis en place de nombreux projets et initiatives dans ce domaine. De même, elles sont profondément convaincues que les politiques ne sont pas suffisantes, ou efficaces si mises en œuvre exclusivement, et que seules les approches équilibrées, combinant la prévention, la sanction et la cohésion sociale, peuvent déboucher sur des solutions appropriées et efficaces. Cette conviction a mené les autorités locales à élargir leur réflexion sur la façon de répondre à l'extrémisme violent bien au-delà du maintien de l'ordre public et de la justice pénale. Elles explorent les mesures préventives à prendre dans le contexte de la prison, de la probation et de la libération. Elles mettent en œuvre des programmes de soutien aux délinquants pour qu'ils se désengagent de la violence et du radicalisme et prennent leurs distances par rapport à leur système de pensée extrémiste, et elles évaluent le potentiel des programmes de réhabilitation et de resocialisation pour ce groupe-cible particulier. Le projet PREPARE a permis à un groupe d'autorités locales et d'organisations non gouvernementales (ONG) spécialisées de travailler sur ces questions pendant deux ans. Leurs échanges et la coopération développée pendant le projet leur ont permis d'élaborer un certain nombre de projets pilotes concernant des délinquants extrémistes en prison et en probation et les communautés locales qu'ils sont amenés à rejoindre. Cette publication présente les résultats de ce travail.

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L'objectif principal de ce guide est d'aider les autorités locales à rendre opérationnelle l'expertise existante et disponible dans le domaine d'action de PREPARE en termes d'élaboration des politiques et de recherche aux niveaux européen, national et local. Il dresse un état de l'art des politiques de prévention dans le contexte de la probation et de la libération de prison en Europe, présente des pratiques locales innovantes pour le désengagement et la réintégration des délinquants extrémistes, et propose, à partir des enseignements de PREPARE, des orientations et recommandations pour les autorités locales. Avec cette publication, l'Efus espère avoir produit un outil pratique et solide pour aider les autorités locales à améliorer leurs stratégies contre l'extrémisme violent et la récidive, et ainsi rendre nos villes et régions plus sûres pour tous.

Elizabeth Johnston Déléguée générale de l'Efus

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Introduction >>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> PREPARE : lier la radicalisation et la récidive Le projet PREPARE établit un lien entre deux thématiques qui, depuis des années, sont une priorité des politiques de sécurité urbaine et de prévention en Europe : la prévention de la récidive d'une part, et celle de la radicalisation et de l'extrémisme violent d'autre part. L'Efus demande depuis longtemps que la prévention de la récidive soit considérée comme prioritaire dans les politiques de sécurité urbaine. Depuis qu'il a commencé à connecter des collectivités européennes et à promouvoir leurs échanges sur les politiques de prévention, l'Efus a reconnu que la répétition des crimes et délits constitue une part importante des statistiques sur la criminalité en Europe et que les conséquences humaines et économiques de la récidive pèsent lourd sur les États membres de l'UE. Ainsi, dans leur Manifeste de Naples, en 20001, les membres de l'Efus appelaient à :

 mettre en place des réponses efficaces et des sanctions qui favorisent l'inclusion et la réinsertion (« les gouvernements locaux doivent mettre en œuvre des programmes de prévention de la récidive appuyés notamment sur le développement social, sur la résolution des conflits par le biais de la médiation et sur la réparation par les auteurs d'infractions ») ;

 considérer la détention comme une mesure de dernier ressort auquel il convient de faire appel le moins possible (« La prison est une ressource limitée. L'incarcération doit être utilisée d'une manière très restreinte et toujours justifiée par des impératifs définis (...). Il s'agit de faciliter l'accès dans les prisons des services sociaux, de formation, d'éducation et d'aide à l'emploi ») ;

1. Efus, Sécurité et Démocratie, Le Manifeste de Naples, 2000.

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 Un développement concerté des travaux d'intérêt général (« les collectivités locales doivent s'impliquer dans le développement des travaux d'intérêt général et des autres sanctions aptes à réduire le recours à l'incarcération »). Poursuivant sur ce chemin, l'Efus a ensuite mené deux projets européens de coopération sur cette thématique : « Innovative Strategies to Prevent Re-Offending » (Stratégies innovantes pour la prévention de la récidive, SIPREV, 2008 – 2009) et « Training Local Stakeholders on the Prevention of Re-Offending » (Former les acteurs locaux à la prévention de la récidive, FALPREV 2010 – 2012). Ces deux projets ont notamment mis en place des activités pilotes au niveau local et produit un guide2 comprenant des recommandations politiques ainsi qu'un kit de formation pour les acteurs locaux3. En ce qui concerne la radicalisation, l'extrémisme violent et le terrorisme, qui est une thématique plus récente dans les politiques européennes de sécurité urbaine, l'Efus a, là aussi, une expérience de longue date. Il a contribué à définir le rôle que jouent les autorités locales dans la réponse à la prévention des crimes de ce type et des risques qu'ils représentent pour la sécurité urbaine et la cohésion sociale. Sa première prise de position marquante à ce sujet était incluse dans le Manifeste de Saragosse4 (2006). Elle met l'accent sur la nécessité d'apporter des réponses équilibrées au terrorisme et affirme que « toute réponse favorisant les actions discriminatoires, la désignation de boucs émissaires ou qui encourage des attitudes agressives et racistes doit être proscrite », car le terrorisme chercher à exploiter les inégalités sociales et culturelles que de telles réponses renforceraient. Entre 2006 et 2007, l'Efus a coordonné un premier projet européen de coopération sur cette thématique : Cities Against Terrorism (Villes contre le terrorisme, CAT). Le guide publié à l'issue du projet est le premier guide pratique pour les autorités locales sur cette thématique. Il définit le rôle qu'elles peuvent jouer dans les politiques de contre-terrorisme, en mettant l'accent sur la prévention et la communication, la gestion de crise, le dialogue inter-communautaire et le soutien aux victimes.5 2. Efus, Stratégies innovantes pour la prévention de la récidive, 2009. 3. Efus, Prévention de la récidive : un kit de formation pour les acteurs locaux, 2012. 4. Efus, Manifeste de Saragosse, 2006. 5. Efus, Sécucités, Villes contre le terrorisme, 2007.

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À partir de 2014, alors que les phénomènes de radicalisation menant à l'extrémisme violent étaient plus présents dans les villes européennes et que le risque d'attentats terroristes s'intensifiait, l'Efus a lancé les projets LIAISE (Local Authorities Against Violent Extremism / Autorités locales contre l'extrémisme violent). LIAISE 1 (2014-2016) et 2 (2017-2018) ont mobilisé une trentaine de partenaires – autorités locales, ONG et instituts de recherche – qui ont travaillé ensemble pour clarifier et renforcer le potentiel des initiatives locales de prévention, en identifiant comme thèmes clés de travail pour les villes et autorités locales les partenariats pluridisciplinaires locaux, le soutien aux familles, le renforcement de la résilience, la déradicalisation et le désengagement et les contre-discours. Les partenaires de LIAISE ont mis en place des projets locaux pilotes de prévention à travers l'Europe, créé une base de données de pratiques prometteuses et produit deux guides comprenant des conseils méthodologiques sur l'élaboration de politiques de prévention efficaces.6 Ce travail pratique était accompagné d'une série de résolutions politiques adoptées par le comité exécutif de l'Efus qui appelaient à renforcer le rôle des villes dans les politiques de prévention européennes et ont contribué à inscrire ce thème les programmes de sécurité européens.7 Les manifestes publiés par l'Efus dans les années qui suivirent comprennent tous des sections consacrées à ces questions et apportent des orientations et des recommandations.8 Le travail innovateur mené par les membres de l'Efus a débouché sur une série de projets sur la prévention de la radicalisation et de l'extrémisme violent qui promeuvent le rôle et l'impact que les autorités locales peuvent avoir en matière de prévention spécialisée. Il s'agit de « Local Voices » (2018-2019) et de « Local Young Leaders for Inclusion » (Jeunes leaders locaux pour l'inclusion, LOUD, 2019-2020), au cours duquel des jeunes produisent des campagnes de discours alternatifs et de renforcement de la résilience, ou encore du projet « Building Resil-

6. Efus, Prévenir et lutter contre la radicalisation à l’échelon local 2016, et Efus, Prévention de la radicalisation violente - Guide méthodologique pour l’élaboration d’une stratégie 2017. 7. Voir la Déclaration d'Aarhus, 2015, la Déclaration de Rotterdam, 2016, et la Déclaration de Nice, 2017. 8. Efus, Sécurité, démocratie et villes - Le manifeste d'Aubervilliers et Saint-Denis, 2012, et Efus, Sécurité, démocratie et villes - Coproduire les politiques de sécurité urbaine, 2017.

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ience to Reduce Polarisation and Growing Extremism » (Renforcer la résilience pour réduire la polarisation et l'extrémisme croissant, BRIDGE, 2019-2020), qui élabore une méthodologie pour surveiller et mitiger la polarisation au niveau local. De même, le projet « Preventing Radicalisation Through Probation and Release » (La prévention de la radicalisation dans le cadre de la probation et de la sortie de prison, PREPARE, 2017-2019) aide les collectivités à promouvoir des stratégies de prévention au sein du système judiciaire et à développer des initiatives en faveur du désengagement et de la déradicalisation des délinquants extrémistes violents, ainsi que leur réhabilitation et leur réintégration au sein de leur communauté locale. Ce projet soulève des questions opportunes qui font l'objet d'intenses débats :

 Comment les délinquants extrémistes peuvent-ils tirer profit des mesures alternatives à l'incarcération ? Comment peuvent-ils être accompagnés pour leur réhabilitation et leur réintégration dans leur communauté locale ? Quels types de programme ciblé pendant la probation et de mesures de désengagement, de déradicalisation ou de sortie peuvent les aider ?

 Comment les prisons et les programmes de probation, plutôt que d'être des « bouillons de culture » de radicalisation, peuvent-ils avoir un impact positif sur la prévention, le désengagement et la déradicalisation ?

 Comment les autorités locales peuvent-elles pleinement jouer leur rôle préventif alors que le système judiciaire, les établissements pénitentiaires et les programmes de probation sont gérés à l'échelle régionale et nationale ? Étant donné l'important enjeu d'intérêt public que représentent la radicalisation et le terrorisme, le niveau d'alerte élevé et les besoins en sécurité des États membres, et la peur que suscitent les attentats au sein du public, ces questions doivent être abordées avec beaucoup de prudence.

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La prévention de la radicalisation pendant la probation et à la libération, ainsi que la réintégration des délinquants extrémistes violents : deux priorités de la stratégie de sécurité de l'UE L'UE a clairement défini la radicalisation et l'extrémisme menant à la violence et au terrorisme comme des défis majeurs pour sa sécurité intérieure. Dans sa stratégie de sécurité intérieure, elle affirme que « le terrorisme, sous toutes ses formes, a un profond mépris pour la vie humaine et les valeurs démocratiques. Sa dimension mondiale, ses conséquences dévastatrices, sa capacité à recruter à travers la radicalisation et la diffusion de messages de propagande sur Internet et ses différents moyens de financement font du terrorisme une menace importante et en constante évolution pour notre sécurité. » 9 Quand l'UE a révisé cette stratégie pour la période 2015-2020, cette priorité est devenue encore plus pressante. La première priorité de la stratégie est formulée comme suit : « Lutter contre le terrorisme, la radicalisation conduisant au terrorisme et le recrutement ainsi que le financement lié au terrorisme et prévenir ces phénomènes, en accordant une attention particulière à la question des combattants terroristes étrangers, au renforcement de la sécurité des frontières par des contrôles systématiques et coordonnés au moyen des bases de données pertinentes et sur la base d'une évaluation du risque, et en intégrant les aspects internes et externes de la lutte contre le terrorisme. »10 En 2015, dans sa communication sur la nouvelle stratégie de sécurité, la Commission européenne a de nouveau veillé à souligner le niveau de risque élevé et la priorité de sécurité qui en découle : « les attentats terroristes perpétrés en Europe (récemment encore à Paris, Copenhague et Bruxelles) appellent une réaction ferme de l'UE face au terrorisme et au phénomène des combattants terroristes étrangers. Des citoyens européens continuent de grossir les rangs des groupes terroristes dans les zones de conflit. Ils y reçoivent un entraînement et, à leur 9. Union européenne, Stratégie de sécurité intérieure pour l'Union europénne - Vers un modèle européen de sécurité, 2010, p. 13. 10. Conseil de l'Union européenne, Projet de conclusions du Conseil sur la stratégie de sécurité intérieure renouvelée pour l'Union européenne 2015-2020, 2015.

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retour, constituent une menace potentielle pour la sécurité intérieure européenne. Si le problème n'est pas nouveau, l'ampleur du phénomène et le flux des combattants rejoignant les conflits qui secouent notamment la Syrie, l'Irak et la Libye sont sans précédent. »11 Toujours en 2015, le Conseil de l'Union européenne a adopté un document destiné à renforcer la réponse du système pénal à la radicalisation menant au terrorisme et à l'extrémisme violent. Il appelle les acteurs concernés à mettre en œuvre les actions appropriées où et quand cela est possible, et souligne le rôle clé des acteurs locaux. Ce document définit une série d'actions clés dans sept domaines : (1) la structure et l'organisation des régimes de détention, (2) les mesures alternatives ou additionnelles aux poursuites et/ou à la détention, (3) l'intégration, la réhabilitation et la réintégration, (4) la formation, (5) le veille sur et l'échange de pratiques, (6) le financement, (7) la dimension extérieure. De plus, et face à des défis de plus en plus pressants qui appelaient des politiques de prévention plus amples, la Commission européenne a établi en 2017 le Groupe d'experts de haut niveau sur la radicalisation (High-Level Commission Expert Group on Radicalisation, HLCEG-R). Dans son rapport final12, ce groupe affirme qu'il convient d'apporter des réponses multiples et que tous les acteurs doivent contribuer au niveau local, régional, national, européen et international. Il convient de mettre en œuvre « des politiques de prévention et de lutte contre la radicalisation qui soient complétées par d'autres mesures dans le cadre d'une approche globale du contre-terrorisme. » L'un des domaines où les mesures préventives doivent être renforcées et la coopération intensifiée est celui de la prison, de la probation, de réhabilitation et de la réintégration. Dans ce domaine, le Groupe d'experts a élaboré une série de recommandations politiques, notamment :

 « Recenser les pratiques existantes pour prévenir et contrer la radicalisation dans le contexte de la prison et de la probation (...) et, de

11. Union européenne, Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des Régions, p. 14, 2015 12. Union européenne, High-Level Commission Expert Group on Radicalisation (HLCEG-R), Final Report, 2018.

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façon plus générale, les pratiques en faveur de la réhabilitation et de la réintégration des prisonniers dans la société. »

 « Faciliter le partage de la recherche existante et encourager des recherches plus poussées (dont les évaluations) sur les différents régimes carcéraux et parcours vers, et hors de, la radicalisation en prison. »

 « Explorer davantage l'utilisation de mesures alternatives aux poursuites et à la détention en particulier au travers de meilleures informations et en explorant comment donner suite aux observations. » Enfin, ces priorités ont débouché sur l'octroi de subventions « pour soutenir les projets nationaux ou transnationaux ayant trait à la réponse de la justice pénale pour prévenir la radicalisation menant au terrorisme et à l'extrémisme violent »13 dans le cadre de projets européens portant sur :

 La préparation de la libération et les programmes pendant la probation ou après la libération destinés à promouvoir la réintégration des individus en risque de radicalisation ou disposés à se désengager.

 Le développement d'une approche pluridisciplinaire pour la mise en œuvre efficace et le suivi des programmes de déradicalisation, désengagement et réhabilitation. Ainsi, le projet PREPARE est lié à stratégie de sécurité de l'UE. Il considère que les autorités locales jouent un rôle important et peuvent promouvoir des politiques ciblées dans le contexte de la probation et de la libération, en partenariat avec des réseaux d'acteurs locaux forts qui promeuvent la prévention de la délinquance et la sécurité urbaine.

Les priorités du travail de prévention européen en prison, en probation et à la libération – élaborer des approches et des orientations Comme nous l'avons vu, le phénomène de la radicalisation menant à la 13. European Union funding & tender opportunities (the Single Electronic Data Interchange Area), 2016, Action grants to support national or transnational projects regarding the criminal justice response to prevent radicalisation leading to terrorism and violent extremism.

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violence et au terrorisme prend une place de plus en plus prépondérante dans les documents politiques de l'UE. Par ailleurs, l'Union européenne a produit de nombreuses publications, orientations et manuels, notamment le Radicalisation Awareness Network (RAN), plateforme qui réunit des professionnels spécialisés. D'autres forums internationaux ont aussi publié divers ouvrages et orientations, notamment l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (UNODC) et le Forum mondial de lutte contre le terrorisme (Global Counterterrorism Forum, CGTF)14. À mesure que le phénomène de la radicalisation et de l'extrémisme violent en Europe évolue, ces organisations font face à de nouveaux problèmes. Ainsi, alors qu'il y a quelques années, la priorité était d'empêcher les ressortissants européens de quitter leur pays pour rejoindre les théâtres de guerre en Syrie et Irak, les priorités ont changé depuis la défaite de Daech.15 À présent, un nombre croissant de returnees – les combattants étrangers qui retournent à leur pays européen d'origine – vont être poursuivis et incarcérés. Il existe aussi un nombre croissant de terroristes locaux qui purgent une peine dans un État membre de l'UE. Face à cela, les pays européens mettent davantage l'accent sur les approches de déradicalisation et de resocialisation en prison, pendant la probation et au moment de la libération. En effet, si les prisons semblent bien offrir un terreau fertile à la radicalisation et aux processus de recrutement, elles sont aussi considérées comme offrant un environnement adéquat pour mener des programmes de déradicalisation et de désengagement. De tels programmes peuvent aussi être mis en œuvre pendant la probation, comme le recommandent les institutions européennes et d'autres plateformes internationales telles que la Confédération européenne de la probation (CEP) et le Radicalisation Awareness Network (RAN)16, mais avant que cette approche ne soit généralisée, davantage de recherche est nécessaire dans certains États membres. 14. Voir le Guide des ressources en annexe pour plus d'informations. 15. Voir par exemple, RAN High-Level Conference on child returnees and released prisoners (Ex Post Paper), 2018 16. Voir par exemple, RAN, RAN P&P and CEP (Confederation of European Probation) (Ex Post Paper), 2017.

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De plus, il est crucial de déterminer comment garantir que ces anciens délinquants extrémistes violents (DEV) réintègrent la société et sont réhabilités, comment produire des mesures efficaces contre la récidive, et comment prévenir la radicalisation d'autres individus et/ou membres de la famille. Toutes ces politiques demandent que les États membres adoptent une approche équilibrée entre les mesures répressives et préventives. Nous pouvons identifier une série de principes directeurs et de lignes d'action généralement acceptés par les institutions européennes et les forums internationaux, d'autres qui demandent encore à être débattus et affinés au sein des stratégies nationales des États membres, et enfin d'autres encore qui sont du ressort des autorités locales européennes et varient selon leurs besoins propres et leur contexte local. Principalement, le concept de « sécurité dynamique »17 mis en avant par le Conseil de l'Europe dans ses lignes directrices18 et accepté par d'autres organisations européennes et internationales est fondé sur une nouvelle conception de la relation entre le personnel pénitentiaire et de probation, et les délinquants extrémistes violents (DEV). En effet, dans cette approche, la relation est fondée sur des principes éthiques et vise à une totale réhabilitation et réintégration. Cette même approche est mise en avant dans un certain nombre de documents et manuels publiés par des organisations telles que le RAN et l'UNODC. Elle suppose l'adoption d'un certain nombre de lignes d'action.

17. La sécurité dynamique est un concept ainsi qu’une méthode de travail par laquelle le personnel cherche prioritairement à instaurer et à maintenir une communication et une interaction quotidiennes avec les détenus, fondées sur une éthique professionnelle. Elle vise à mieux comprendre les détenus et à évaluer les risques qu’ils sont susceptibles de présenter, ainsi qu’à assurer la sûreté, la sécurité et le bon ordre et à contribuer à leur réadaptation ainsi qu’à la préparation de leur remise en liberté. Ce concept devrait être compris dans un sens plus large de sécurité englobant également la sécurité structurelle, organisationnelle et statique (murs, barrières, verrous, éclairages et équipement employé, si nécessaire, pour contenir les détenus). Conseil de l'Europe, Lignes directrices à l’intention des services pénitentiaires et de probation concernant la radicalisation et l’extrémisme violent, 2016. 18. Conseil de l'Europe, Lignes directrices à l’intention des services pénitentiaires et de probation concernant la radicalisation et l’extrémisme violent, 2016.

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Les mesures alternatives à l'incarcération Les mesures alternatives à l'emprisonnement pour les DEV ou les suspects inculpés de crimes terroristes sont peu utilisées dans les États membres parce qu'elles seraient mal acceptées par le public. Quoi qu'il en soit, on évolue graduellement vers une approche plus complète dans la lignée des stratégies nationales et régionales de prévention de l'extrémisme violent et de la radicalisation, y compris les mesures et approches « douces » qui peuvent contribuer directement au succès de programmes de désengagement et de déradicalisation débouchant sur une réhabilitation finale. La grande majorité des forums internationaux estiment que face à ce phénomène, il est important de maintenir un équilibre entre les mesures « dures » et « douces ». Selon le principe que la prison doit être une mesure de dernier recours et que les peines doivent être aussi courtes que possible pour réduire les coûts et accroître les chances de réhabilitation19, il semble nécessaire d'identifier les mesures et sanctions appropriées et d'éviter autant que possible l'emprisonnement, car il peut renforcer les processus de radicalisation. L'utilisation de mesures alternatives doit comprendre la coopération avec d'autres organismes et être fondée sur l'expérience acquise dans d'autres domaines adjacents. Ceci est particulièrement important en ce qui concerne les jeunes DEV.

La réhabilitation doit commencer en prison Toutes les mesures, programmes et actions destinés à réintégrer et réhabiliter les individus radicalisés doivent commencer en prison. Si la prison peut fournir un terreau fertile à la radicalisation d'autres détenus, elle offre aussi une opportunité de travailler sur le désengagement et la déradicalisation comme une première étape à poursuivre après la libération, avec des mesures de soutien et de suivi.

19. Voir par exemple, Agence des droits fondamentaux de l'UE (FRA), Criminal detention and alternatives: fundamental rights aspects in EU cross-border transfers, 2016.

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Une bonne gestion et de bonnes conditions de détention Il est généralement accepté qu'une bonne gestion de la prison et des conditions de détention adéquates contribue efficacement au succès de tels programmes de réhabilitation, notamment parce qu'elles permettent d'éviter que les détenus ne se sentent victimes de discrimination ou traités « pas comme les autres », ce qui peut alimenter une attitude radicale.

Stratégie : définir des objectifs mesurables L'élaboration des stratégies doit comprendre la définition d'objectifs à court et long terme. Ceux-ci doivent être définis de façon réaliste et liés à une série d'étapes spécifiques tout du long du processus de désengagement (changement comportemental) et de déradicalisation (changement cognitif).

L'évaluation des risques et des besoins Le concept d’ « évaluation des risques » a inspiré toute sorte de débats et de recherches en raison de ses conséquences multiples dans les domaines social et de sécurité, et de son rôle comme facteur déterminant dans l'élaboration et la mise en œuvre de traitements complets des DEV en prison, pendant la probation et au moment de la libération. Divers gouvernements et organismes ont élaboré ces dernières années toutes sortes d'instruments et d'outils, la plupart focalisés sur l'évaluation des risques que peuvent poser ces détenus, le risque de radicalisation d'autres détenus, le risque de récidive, etc. Il est généralement accepté que l'évaluation des besoins individuels est la clé du processus de réhabilitation et de réintégration. On considère que cela contribue au succès des programmes de réhabilitation et que cela est nécessaire pour élaborer des mesures de soutien et de suivi pendant la probation et au moment de la libération, tout en prenant en compte les facteurs individuels de radicalisation.

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Suivi et évaluation Il est essentiel de suivre et d'évaluer ces processus, notamment en ce qui concerne les évaluations à court terme et les résultats escomptés. Le Radicalisation Awareness Network et le Conseil de l'Europe recommandent des évaluations volontaires par les pairs des programmes de sortie, de réhabilitation et de réintégration. De fait, on investit de plus en plus dans la recherche sur de tels outils et sur la collecte de bonnes pratiques. Mais généralement, cette question demande à être davantage travaillée chez la plupart des États membres.

La resocialisation et la réhabilitation Il est largement accepté que les processus de resocialisation doivent démarrer en prison ou pendant la probation. Pour ce faire, les conditions de détention, la gestion de la prison et l'environnement du détenu doivent être appropriés afin que le détenu et l'officier de probation se sentent, l'un et l'autre, dans un « espace sûr ». L'élaboration de programmes de resocialisation ad hoc doit être fondée sur les résultats obtenus par le biais d'outils d'évaluation des risques et sur la recherche sur les besoins et la résilience. Ceci garantit l'adoption d'une approche équilibrée combinant des mesures de sécurité et sociales. Le processus de transition vers l'extérieur est tout aussi délicat et crucial, et tous les professionnels impliqués au début de ce processus doivent continuer à l'être après la libération du délinquant. Il est important d'établir une relation de confiance entre tous les acteurs impliqués avec l'ancien DEV, sa famille et sa communauté locale afin d'obtenir les résultats attendus.

Une approche pluridisciplinaire La réintégration demande une approche holistique et c'est pourquoi la coopération entre tous les organismes pertinents est cruciale tout du long du processus, en prison, pendant la probation et à la libération.

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Répondre aux besoins et aux problèmes qui surgissent pendant ce processus demande une bonne coordination et coopération entre tous les professionnels et acteurs impliqués, que ce soit les communautés locales, le système éducatif, la police, le système social et de santé, les autorités religieuses, etc. Les autorités pénitentiaires et de probation doivent ainsi envisager de faire participer d'autres acteurs quand cela est nécessaire et possible. Enfin, pour qu'une telle coopération fonctionne, il convient d'établir des systèmes et des protocoles comprenant des objectifs, des concepts et des outils partagés et de répartir clairement les responsabilités et les rôles entre tous les acteurs impliqués.

Formation Des formateurs spécialisés doivent intervenir tout du long du processus. Le consensus est qu'ils doivent recevoir eux-mêmes une formation appropriée et participer à des programmes de renforcement de leurs capacités afin qu'ils puissent accomplir leurs tâches quotidiennes. Les formations pour le personnel pénitentiaire et de probation doivent couvrir les processus de radicalisation, les indicateurs d'extrémisme violent, et la façon de traiter avec des DEV. Les autres professionnels impliqués dans le processus en prison, en probation ou à la libération – travailleurs sociaux, psychologues, éducateurs ou encore les chefs religieux – doivent aussi recevoir une formation spécialisée. De plus, le partage de bonnes pratiques, de manuels et d'outils peut inspirer d'autres institutions et organismes lorsqu'ils élaborent leurs propres programmes de formation. Ces lignes générales, tirées des principaux documents politiques européens et internationaux en la matière, ont largement inspiré les activités du projet PREPARE. Elles ont ensuite été retravaillées en fonction des besoins des autorités locales avant d'être adaptées et affinées sous la forme de recommandations présentées dans la troisième partie de cette publication.

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Définir le rôle des autorités locales en matière de prévention de la radicalisation en probation et au moment de la libération et de réhabilitation des délinquants extrémistes. Il est généralement admis que les autorités locales peuvent jouer un rôle important dans la prévention de et la lutte contre l'extrémisme violent parce qu'elles constituent le niveau de gouvernance le plus proche des citoyens et qu'elles ont la capacité de produire des politiques et des stratégies de prévention locales.20 Le travail constant mené par l'Efus et d'autres réseaux – tels le RAN, l'Alliance des villes européennes contre l'extrémisme, le Strong Cities Network et Nordic Safe Cities – a permis d'identifier des domaines prioritaires où les autorités locales peuvent réellement avoir un impact. Il s'agit notamment d'identifier les partenariats pluridisciplinaires locaux, le soutien aux familles, le renforcement de la résilience, la déradicalisation et le désengagement, et les contre-discours ou discours alternatifs.21 Ainsi, il existe des manuels offrant des recommandations méthodologiques sur comment établir une coopération pluridisciplinaire à l'échelle locale, notamment en intégrant un tel travail dans le cadre de la stratégie de prévention d'une ville ou d'une région. Ils présentent également les étapes à suivre pour former et consolider un réseau local de prévention solide.22 En revanche, il n'existe pas encore, à proprement parler, de modèle à suivre pour les autorités locales en matière de prévention dans le contexte de la probation et de la libération de prison, et de réhabilitation et de réintégration des délinquants extrémistes violents. Qu'ils soient centrés sur la déradicalisation, le désengagement, la réhabilitation ou la réinsertion, de tels programmes demandent une coordination

20. Voir notamment, Union européenne, High-Level Commission Expert Group on Radicalisation (HLCEG-R), Final Report, 2018 et Union européenne, Fact Sheet. A Europe that Protects. EU Cities against Radicalisation, 2019. 21. Voir Efus, Prévenir et lutter contre la radicalisation à l'échelon local, 2016. 22. Voir Efus, Prévention de la radicalisation menant à l'extrémisme violent - Guide méthodologique pour l'élaboration d'une stratégie locale, 2017, qui identifie comme étapes clés la mobilisation politique, la constitution d'un partenariat, la formation des acteurs locaux, les diagnostics locaux partagés, la communication, l'élaboration et l'évaluation des projets locaux. Voir aussi RAN, Developing a local prevent framework and guiding principles (Policy Paper), 2016. .

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entre les différents organismes pertinents pour maximiser les chances de réintégration des individus radicalisés et de minimiser le risque de récidive. Certains pays de l'UE, tels la Belgique, le Danemark, les Pays-Bas et la Suède, reconnaissent le rôle clé que jouent les autorités locales pour coordonner tous les acteurs pertinents au sein de tels programmes pluridisciplinaires.23 Cependant, si une telle coopération pluridisciplinaire sur les cas de délinquants radicalisés – soit au moment de la libération, soit en probation – est déjà considérée comme un principe clé à respecter lorsque l'on élabore des initiatives de prévention tertiaire, elle est aussi souvent identifiée comme l'un des principaux obstacles à surmonter.24 Pourtant, elle est d'autant plus nécessaire qu'un certain nombre de délinquants radicalisés sont à présent sur le point d'être libérés et qu'il convient donc de préparer leur libération de prison et de les gérer une fois qu'ils seront sortis. Cette question a une portée locale puisque ces détenus, une fois libérés, retourneront dans leur ville d'origine, ce qui rend d'autant plus importante l'approche pluridisciplinaire à laquelle les autorités locales doivent être associées. En ce qui concerne leur rôle dans la prévention de la radicalisation en prison, en probation et au moment de la libération, on peut identifier plusieurs lignes d'action :

Soutenir l'établissement de stratégies locales pluridisciplinaires Comme nous l'avons vu, une approche pluridisciplinaire demande des partenariats locaux pour la sécurité. Les autorités locales sont bien placées pour identifier et encourager de tels partenariats, et offrir des formations appropriées pour les différents organismes et professionnels impliqués, que ce soit les praticiens de première ligne, le personnel

23. RAN, Prison and Probation Working Group Meeting - Multi-agency cooperation (Ex Post Paper), 2016. 24. RAN, EXIT Working Group, Minimum methodological requirements for exit interventions (Ex Post Paper), (Ex Post Paper), 2016; Conseil de l'Union européenne, Conclusions du Conseil de l'Union européenne et des États membres, réunis au sein du Conseil, sur le renforcement de la réponse pénale à la radicalisation conduisant au terrorisme et à l'extrémisme violent, 2015.

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pénitentiaire et de probation, les travailleurs sociaux, etc. Ces formations doivent viser à renforcer leurs capacités à identifier et gérer les processus d'extrémisme violent, et les ressources et outils disponibles pour ce faire. De la même manière, les stratégies et structures pluridisciplinaires doivent être établies en fonction des besoins locaux et des types et processus d'extrémisme violent qui se jouent à l'échelle locale, de même qu'en fonction du public cible local. Il peut s'agir de programmes de prévention ciblés sur le public général, d'actions spécifiques concernant des individus radicalisés et destinées à lutter contre l'extrémisme violent, ou d'une collaboration au sein de programmes de resocialisation pendant la probation ou à la libération. Dans certains cas, les acteurs engagés dans de tels processus ignorent l'existence de telles structures et leurs avantages. Il faut donc s'efforcer de les sensibiliser sur le fait que ces ressources existent. Il convient aussi de sensibiliser les autorités locales elles-mêmes sur l'existence de telles structures et bonnes pratiques.

Les organisations communautaires locales Associer différents acteurs pendant le processus de sortie, notamment les acteurs et la communauté locaux, comporte de nombreux avantages. Il est nécessaire d'établir une relation de confiance avec les familles pour évaluer leurs besoins et recueillir des informations sur les processus de radicalisation. Les organisations de la société civile et communautaires (dont les dirigeants religieux) sont bien placées pour consolider de telles relations et identifier les « porte-paroles crédibles » qui pourront soutenir ce processus. Une telle démarche doit toujours être menée par l'autorité locale et inscrite dans la stratégie locale de prévention et de lutte contre l'extrémisme violent, en prenant en compte les besoins de l'autorité locale, les structures existantes dans des domaines adjacents, l'expérience et l'expertise des organisations locales, les relations avec les communautés locales, etc.

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La collaboration entre les organisations et les acteurs de la société civile et l'autorité locale doit concerner le processus complet, depuis l'évaluation des besoins locaux jusqu'à l'élaboration de la stratégie locale, sa mise en œuvre, son suivi et son évaluation. L'objectif est que les organisations de la société civile soient impliquées tout du long et présentes à toutes les étapes. De plus, on peut envisager que l'autorité locale soutienne de telles organisations locales et leurs programmes de prévention ou de sortie, notamment en facilitant leur accès à un financement ou en réservant un budget spécifique. De même, il conviendrait de fournir à ces acteurs locaux des modules de formation adaptés afin d'encourager leur collaboration avec les services locaux et de sécurité.

Programmes de resocialisation Les autorités locales doivent établir des protocoles spécifiques pour le partage d'informations sensibles et pertinentes, afin d'encourager la collaboration avec tous les acteurs impliqués dans le suivi des anciens DEV au moment de leur libération et pendant la probation, en respectant toujours la vie privée et la protection des données. Il convient également de prendre en compte le rôle des services locaux concernant les besoins des familles des anciens détenus (emploi, logement, école). Les programmes de réintégration auxquels participent les services, acteurs et ONG locaux doivent être élaborés, suivis et constamment évalués en fonction de l'évolution des bénéficiaires (donc les anciens DEV) et de leurs besoins. Les autorités locales peuvent jouer un rôle particulièrement important dans ce domaine, dans la mesure où les structures locales opérant dans des domaines adjacents peuvent en bénéficier et qu’elles peuvent améliorer les programmes de réhabilitation.

Communication La présence d'anciens DEV peut créer ou exacerber les tensions sociales et politiques locales et alimenter la polarisation. Lorsque cela se produit, l'autorité locale doit rassurer la population locale par des

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campagnes de communication ciblées et des politiques spécifiquement destinées à apaiser leurs craintes. Elle doit aussi contrer les possibles processus de stigmatisation. À partir de ces principes d'action, le projet PREPARE a exploré de façon plus poussée comment les autorités locales peuvent participer aux approches préventives ciblées et a élaboré une série de recommandations qui s'articulent autour des thèmes suivants : 1. La nécessité d'adopter une approche couvrant tous les extrémismes et d'apprendre des domaines adjacents 2. Établir une stratégie locale pluridisciplinaire pour gérer les DEV 3. Assurer une continuité entre la prison, la probation et la libération 4. Renforcer les capacités d'évaluation des risques 5. Formation, encore et toujours 6. Fournir un travail de sortie 7. Se concentrer sur la réintégration 8. Renforcer la coopération avec la société civile 9. Coopérer à l'échelle nationale, européenne et internationale 10. Gérer localement les combattants qui reviennent 11. Les stratégies de communication locales autour des délinquants extrémistes violents 12. Renforcer les mesures alternatives à l'emprisonnement Tous ces sous-domaines ont été identifiés par les partenaires de PREPARE, les autorités locales et les ONG qui travaillent localement, et ont développé des pratiques de prévention innovantes dans le cadre du projet. La partie 3 de ce guide est consacrée aux recommandations thématiques concernant ces différents sous-domaines.

Les objectifs, méthodes et actions de PREPARE Le projet PREPARE a cherché à répondre à ces défis et ces besoins et a travaillé autour de quatre objectifs :

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 Réunir des autorités locales européennes souhaitant répondre à la radicalisation dans le contexte de la libération de prison et de la probation.

 Développer des programmes pluridisciplinaires de pointe pour le désengagement et la réhabilitation à la libération et en probation qui associent les autorités locales.

 Identifier les besoins dans ce domaine, afin d'élaborer des recommandations ciblées pour l'élaboration d'initiatives pluridisciplinaires à la libération et en probation.

 Renforcer les capacités des autorités locales en matière de prévention tertiaire et pluridisciplinaire de la radicalisation à la libération et en probation.

PREPARE a développé sa méthodologie et ses activités en quatre étapes :

Établir un état de l'art Une recherche initiale a été menée par l'Efus et les organisations partenaires sur les politiques et les stratégies mises en œuvre par différents États membres de l'UE pour prévenir la radicalisation dans le contexte de la probation et de la libération, et favoriser le désengagement et la réhabilitation des délinquants extrémistes. Cette première phase a permis d'identifier les façons différentes selon lesquelles les autorités locales sont impliquées dans des stratégies concernant les prisonniers libérés ou les individus en probation à travers l'Europe, et d'identifier les principaux défis et thèmes sur lesquels travailler dans les réunions de projet qui ont suivi. Un questionnaire a été élaboré et rempli par les autorités locales partenaires de PREPARE sur les pratiques et initiatives existantes en la matière et les besoins et ressources disponibles pour les activités à venir. Les ONG et experts partenaires de PREPARE ont fait des recherches sur les stratégies nationales de prévention de la radicalisation dans le contexte de la probation et de la libération en Belgique,

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France, Allemagne, Pays-Bas, Espagne, Suède et au Royaume-Uni. Les articles résultant de cette recherche sont disponibles sur le site web de l'Efus (www.efus.eu) et la section 2 de ce guide comprend une version abrégée de ces articles.

Des échanges européens avec des réunions de projet À partir des résultats de la recherche sur l´état de l'art et des thèmes d'intérêt commun identifiés avec les autorités locales et les experts, quatre réunions de projet ont été organisées :

Première réunion de coordination : Paris (FR), 22 novembre 2017 Deuxième réunion de coordination : Malmö (SE), 15-16 mars 2018  Troisième réunion de coordination : Málaga (ES), 29-30 novembre 2018

 Quatrième réunion de coordination : Avignon (FR), 27-28 juin 2019 Lors de ces rencontres, les partenaires ont échangé, assisté à des présentations des experts extérieurs et participé à des visites de terrain. Les représentants des villes et les experts ont pu échanger leurs expériences concrètes ; les autorités locales partenaires du projet ont informé le consortium du déroulement de leurs activités locales ; elles ont bénéficié des contributions directes des experts et recueilli des informations sur d'autres expériences grâce aux visites de terrain organisées avec les autorités locales hôtes de ces rencontres.

Assistance technique et activités locales Parallèlement à ces réunions de projet, les autorités locales ont bénéficié de l'apport des experts qui les ont aidées à développer des activités dans le domaine du désengagement et de la réhabilitation dans le contexte de la libération et de la probation. Cette assistance a consisté en réunions face-à-face, en visites de terrain et en contacts en ligne. L'Efus a agi comme intermédiaire entre les organisations partenaires ou les experts extérieurs et les autorités locales bénéficiaires.

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Pour la troisième phase du projet, les équipes suivantes ont été constituées entre les autorités locales et les ONG partenaires / experts, et ont travaillé sur les sujets indiqués ci-dessous :

 Avignon – FACE : évaluation du risque pour les délinquants extrémistes

 Catalogne – Violence Prevention Network : partenariat plurisdisciplinaire pour la gestion de cas

 Clichy-sous-Bois – Efus : Formation au désengagement et à la déradicalisation pour les acteurs de première ligne

 Málaga – Denkzeit : Formation du personnel municipal de première ligne aux stratégies de sortie

 Rotterdam – Fryshuset / Exit Suède : gestion de cas en probation et à la libération

 Sarcelles – Efus : réintégration des jeunes délinquants  Sollentuna/Kriminalvården – Fryshuset / Exit Suède : gestion de cas en probation et dans le travail de sortie

 La Haye –European Forum for Restorative Justice : tirer les enseignements du régime de probation appliqué en Irlande du Nord

 Vilvorde – Fryshuset / Exit Suède : gestion de cas et travail avec les « anciens ». Comme les autres activités du projet, la troisième phase a aussi été préparée sur mesure, c'est-à-dire que le contenu de l'assistance technique et des activités locales développées par la suite a été défini en fonction du contexte spécifique de chaque partenaire en matière de radicalisation et d'extrémisme violent, des besoins de chacun et des activités et partenariats qu'ils avaient déjà développés en matière de prévention de la radicalisation et de déradicalisation. Les contacts réguliers entre l'Efus et les autorités locales partenaires ont permis d'évaluer précisément les besoins de chacune avant de mobiliser l'expertise et les ressources nécessaires.

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Dissémination Si les principaux résultats du projet ont été disséminés pendant celuici, comme les articles « état de l'art » qui ont été mis en ligne sur le site web de l'Efus, la phase finale était spécifiquement destinée à la dissémination des résultats et la communication. Ce guide, l'un des principaux livrables du projet, a été présenté lors d'un événement de dissémination à Berlin, les 26-27 novembre 2019. D'autres livrables, comme la version longue des articles « état de l'art », et les fiches de présentation des projets pilotes sont disponibles sur www.efus.eu.

Pourquoi ce guide ? Ce guide est destiné à partager de telles pratiques prometteuses et à proposer des orientations et des recommandations aux autorités locales qui gèrent des DEV récemment libérés ou sur le point de l'être à court ou moyen terme. Il s'adresse aussi aux organisations de la société civile et ONG locales, dont les groupes confessionnels. Le projet PREPARE a permis à un groupe d'autorités locales et d'ONG qui ont des profils, des expériences, des besoins et des ressources différents de participer à des échanges intenses sur cette question et d'élaborer ensemble des approches innovantes avec le soutien de leurs pairs. Ce processus de coopération était fondé sur la réponse de l'Europe à la radicalisation et à l'extrémisme violent, et contribue à affiner cette stratégie. En particulier, il répond au besoin identifié par la Commission européenne de recenser les pratiques existantes de prévention et de lutte contre la radicalisation en prison et en probation (dont les programmes de sortie et les outils et méthodologies d'évaluation), ainsi que les pratiques pour la réhabilitation et la réintégration des prisonniers après leur libération, qui notamment prennent en compte leur genre et leur âge. Tel était le propos du projet PREPARE mené par l'Efus : recenser et évaluer les stratégies et les plans de plusieurs pays européens pour prévenir la radicalisation dans le contexte de la prison, de la probation et de la libération avec un accent particulier sur le rôle des autorités locales dans ce processus, et aussi en identifiant les pratiques promet-

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teuses de réintégration et de réhabilitation. Ainsi, ce guide présente les résultats et les enseignements tirés de ce processus intense de coopération et les met à la disposition des autorités locales, des décideurs politiques, des acteurs de la prévention et des chercheurs à travers l'Europe. Il est organisé en trois parties afin que ces connaissances soient le plus accessibles possible : La première partie, « État de l'art de la prévention de la radicalisation violente dans le contexte de la probation et de la libération de prison en Europe », présente de façon concise la recherche menée par les partenaires de PREPARE sur les mesures ciblées de prévention en probation et à la libération et pour la réhabilitation et la réintégration des DEV. Cette recherche a été menée dans les pays d'origine des partenaires : Belgique, France, Allemagne, Pays-Bas, Espagne, Suède et RoyaumeUni. Les stratégies et mesures mises en œuvre varient beaucoup d'un pays à l'autre, selon les besoins et la culture institutionnelle et politique de chacun, de même que le degré d'implication des autorités locales. La seconde partie, « De nouvelles stratégies municipales de prévention – Les projets pilotes PREPARE », présente les activités locales mises en place par les partenaires du projet. Elles sont le résultat d'échanges intenses et de la coopération entre pairs ou par petits groupes de partenaires, dont les autorités locales, les ONG et les experts partenaires qui ont participé à la coproduction de ces stratégies innovantes. Les projets consistent en programmes de formation, plateformes réunissant divers organismes pertinents, ou encore élaboration de protocoles pour la gestion des cas. Les présentations courtes incluses dans cette partie comprennent une description des actions et des informations sur les leçons apprises et les perspectives d'avenir. La troisième partie, « Aider les autorités locales à prévenir la radicalisation violente à la libération de prison et en probation – Réflexions politiques et recommandations », présente, comme son nom l'indique, des recommandations destinées aux autorités locales sur ces questions. Elle passe en revue 12 thèmes tels que la nécessité de considérer tous les extrémismes, l'évaluation des risques ou encore les stratégies

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de communication, et présente une série de propositions et d'idées qui pourront inspirer les autorités locales à élaborer leur propre approche. Ces thèmes ne sont pas exhaustifs et ne concernent pas tous les contextes locaux de façon égale. Ils sont seulement destinés à inspirer la réflexion et à donner des idées. En annexe, nous avons inclus un Glossaire des termes et concepts utilisés dans cette publication et un Guide des ressources listant certains des principaux documents politiques qui informent le débat au niveau européen et international.

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Partie 1

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État de l'art de la prÊvention de la radicalisation violente dans le contexte de la probation et de la libÊration de prison en Europe

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1.1 Belgique : une approche intégrée mise en œuvre à chacun des trois niveaux de gouvernement

>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> L’approche intégrée de l’État fédéral de Belgique en ce qui concerne les détenus radicaux est mise en œuvre à chacun des trois niveaux de gouvernement25.

1. Contexte Les compétences en matière de radicalisation sont réparties entre les différents niveaux de gouvernement : le niveau fédéral est responsable de la répression ; les communautés française, flamande et allemande sont compétentes en matière de prévention, de protection sociale et d'éducation ; et les régions (Flandre, Wallonie, Bruxelles) couvrent les villes et les municipalités. Les villes et les municipalités jouent un rôle important et travaillent depuis de nombreuses années déjà sur la question de la radicalisation, notamment parce qu'elles ont été confrontées au problème des jeunes locaux partis se battre en Syrie. Un plan fédéral (intitulé « Plan M pour mosquées ») a été élaboré en 2002, par la suite rebaptisé Plan R (pour radicalisation) et actualisé au cours des années. Ce plan constitue le cadre général pour une approche intégrée et intégrale, conjointement avec le Plan national de sécurité.

Le Plan R fédéral Le Plan R fédéral affirme que le radicalisme et l'extrémisme demandent une approche globale de la part de tous les gouvernements et que

25.Cette section d'après un article de recherche préparé dans le cadre du projet PREPARE par Inge Vanfraechem (European Forum for Restorative Justice), Belgium: An integrated approach implemented at each of the three levels of government, 2019.

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celle-ci ne doit pas être limitée aux services de renseignements et de sécurité. Il a pour objectifs de détecter les individus et groupes qui ont un effet radicalisant sur leur environnement et de réduire l'impact de la radicalisation. Il est coordonné par la Task Force nationale (TFN), sous la présidence de l'Organe de coordination pour l'analyse de la menace (OCAM). Au niveau local, les Task Forces locales (TFL) ont une composante stratégique et opérationnelle et sont en lien avec les autorités administratives locales et les services de socio-prévention. Par ailleurs, les Cellules de sécurité intégrale locale (CSIL-R) examinent les cas concrets à l'échelon des villes et des municipalités.

Le plan d'action flamand Le Plan d'action flamand pour la prévention de la radicalisation violente et de la polarisation est fondé sur une approche intégrée, et organisé en cinq axes : 1. Coordination et coopération 2. Soutien à l'approche locale 3. Organisation d'une approche personnelle 4. Renforcement des connaissances et de l'expertise 5. Mobilisation de la société civile La Plateforme flamande radicalisation, un réseau de points de contact dans chacun des grands domaines d'action publique, assure la coordination. Au niveau européen, il est envisagé de coopérer avec le Réseau des coordonnateurs Prevent et les groupes de travail du Radicalisation Awareness Network (RAN).

Le plan wallon pour la prévention du radicalisme violent Trois axes sont développés : 1) La coordination entre les différents acteurs en :

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 nommant une personne de référence qui présidera le réseau ;  mettant en place un réseau ;  participant à la plateforme inter-fédérale et à la Task Force nationale ;  faisant du benchmarking au travers de Wallonie-Bruxelles International pour tirer des enseignements d'expériences menées ailleurs ;

 coopérant avec les services fédéraux et les groupes de travail ;  collaborant avec la communauté française. 2) La prévention

 le thème de la radicalisation est intégré aux Plans de cohésion sociale ;

 24 projets sont subventionnés ;  l'intégration sociale des étrangers est renforcée, notamment dans le monde du travail ;

 reconnaissance des religions ;  subventions additionnelles pour la prévention dans les grandes villes. 3) Détection

 500 travailleurs de première ligne sont formés au thème de la radicalisation ;

 leurs questions sont collectées.

Plan de la communauté française Trois axes transversaux sont développés : 1. création d'un réseau anti-radicalisme (RAR) pour coordonner les efforts, sensibiliser les acteurs de première ligne, développer les outils de prévention, renforcer l'expertise et coopérer avec d'autres structures similaires ; 2. participation à la stratégie nationale de prévention ;

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3. action renforcée contre le racisme, la discrimination, l'antisémitisme et l'islamophobie.

Plan de la communauté allemande Le plan de la communauté allemande cible autant le radicalisme islamiste que celui d'extrême-droite, et est focalisé sur la prévention, la sensibilisation, la formation, la détection précoce et l'accompagnement social. Il est fondé sur quatre piliers : 1) la prévention, notamment à l'école ; 2) les parcours individuels de déradicalisation ; 3) la coopération avec d'autres régions de Belgique et la coopération transfrontalière avec l'Euregio Maas-Rhin, et 4) la communication.

2. La prévention de la radicalisation en prison, à la sortie de prison et en probation Le ministère fédéral de la Justice a publié en 2015 un « Plan d'action contre la radicalisation en prison ». Les objectifs principaux de cette politique sont de (1) prévenir la radicalisation des prisonniers et (2) mettre en place un suivi spécialisé des individus radicalisés pendant leur détention. Le Plan comprend 10 points d'action, avec une priorité à la collecte et au partage de l'information. L'un des points principaux est « la coopération renforcée avec le niveau local, les états fédérés et l'Europe. » Dans les prisons flamandes, le thème de la radicalisation islamiste en prison est devenu une priorité en 2015 au travers d'une « politique réactive », qui envisage un cadre spécialisé pour les détenus radicalisé, ainsi qu'une politique de prévention. Le gouvernement belge a opté pour une double approche : en première instance, les détenus sont intégrés dans des sections générales de la prison, après quoi il est possible de les transférer dans des « prisons satellites » ou un département spécialisé (comme il en existe par exemple à Hasselt et Ittre) en cas de radicalisation prolongée ou de recrutement.

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3. Le rôle des autorités locales Au travers des Task forces locales (TFL) et des Cellules de sécurité intégrale locale (CSIL), elles participent à l'échange d'informations et à la coordination entre les différents acteurs. Les autorités locales jouent un rôle direct dans la prévention, car elles sont responsables de la prévention de la radicalisation et du renforcement de la cohésion sociale. En particulier, elles peuvent intervenir dans le cadre des Cellules de sécurité intégrale locale (CSIL). Elles peuvent aussi signaler et gérer les cas de radicalisation, et accompagner et surveiller ceux qui retournent des zones de combat (les returnees).

4. Autres initiatives Un certain nombre d'initiatives ont été prises en Belgique indépendamment des plans gouvernementaux. On peut notamment signaler :

Au niveau fédéral Les équipes mobiles Une équipe mobile a été mise en place au ministère de l'Intérieur pour soutenir et guider les autorités locales. Réunissant quatre experts, elle propose des solutions sur mesure aux questions et problèmes que rencontrent les villes/municipalités. Au sein du projet européen « Community policing and prevention of radicalisation & terrorism » (CoPPRa, police locale et prévention de la radicalisation et du terrorisme) la police fédérale belge a donné des formations sur la radicalisation. BOUNCE comprend trois formations et trois outils de sensibilisation destinés aux jeunes et à leur entourage, et constitue une bonne réponse au défi de la prévention précoce de la radicalisation.

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Niveau flamand Au niveau flamand, plusieurs initiatives sont prises dans différents domaines afin de proposer des formations et une expertise sur la radicalisation. L'Association des villes et municipalités flamandes accompagne les autorités locales dans l'élaboration de leur politique locale avec des outils concrets, un coaching sur mesure et des formations sur « l'approche locale de la radicalisation ».

Radix tool L'Outil Radix Anvers a été élaboré par la ville d'Anvers pour guider les débats entre différents partenaires. Cet outil permet de lister les vulnérabilités et les forces individuelles, ainsi que les facteurs structurels menant à la radicalisation (violente).

CoPPRa « light » Fondé sur l'expertise que les services de police ont construite dans le cadre du programme CoPPRa pour les agents de police de première ligne, un package a été développé pour tout le personnel, et notamment celui des autorités locales.

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1.2 France : un plan global contre la radicalisation violente avec une progressive implication des autorités locales

>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Depuis 2014, la France a adopté une série de politiques globales pour contrer la radicalisation violente, en particulier pour les publics en détention et en probation. Le rôle des autorités locales s’est vu renforcé au fil des années dans le champ de la prévention de la radicalisation, mais bien plus rarement dans la prise en charge des publics radicalisés ou en voie de radicalisation26.

La politique de prévention et de lutte contre le radicalisme et le terrorisme Un premier Plan de lutte anti-terroriste (PLAT) a été adopté en avril 2014. Il s'articule autour de deux volets : renforcer le dispositif législatif en matière de lutte contre le terrorisme et les filières djihadistes, et faciliter la détection des individus radicalisés et leur réintégration dans la société. Ce plan a aussi établi le Centre national d’assistance et de prévention de la radicalisation, (CNAPR), qui centralise les signalements d'individus présentant des signes de radicalisation et offre un soutien aux familles. Un deuxième Plan d’action contre la radicalisation et le terrorisme (PART) a été adopté en mai 2016 dans l'objectif de mieux détecter les signes de radicalisation, et de mieux prévenir et contrer le radicalisme. Ces deux plans (PLAT et PART) ont développé une politique de préven-

26. Cette section est tirée d'un article rédigé dans le cadre du projet PREPARE : Fondation FACE, France : un plan global contre la radicalisation violente avec une progressive implication des autorités locales, 2019 . https://efus.eu/files/2019/04/2019_PREPARE-France-FR.pdf

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tion autour de la détection, la formation, la prise en charge en milieu ouvert et fermé et le développement de la recherche. Deux plans additionnels ont été publiés en 2018 (le plan « Prévenir pour protéger » et le « Plan d'action contre le terrorisme ») ; ils renforcent les mesures de prévention et établissent un parquet national anti-terroriste (PNAT).

La politique judiciaire, en particulier pénitentiaire, pour les publics radicalisés ou en voie de radicalisation En 2018, il y avait 511 détenus en France pour des faits en lien avec le terrorisme islamo-djihadiste et 1 110 détenus de droit commun présentant un risque élevé de radicalisation violente. Les détenus poursuivis pour faits de terrorisme doivent passer quatre mois dans le Quartier d'évaluation de la radicalisation (QER) de la prison, où ils sont gérés par une équipe pluridisciplinaire (éducateurs, psychologues, membres du service pénitentiaire d’insertion et de probation, responsable religieux, etc.). À la sortie de prison, l'objectif est d'éviter les sorties dites « sèches ». Les juges d’application des peines spécialisés dans l’antiterrorisme (JAPAT) sont chargés de suivre les individus et peuvent décider d'une mesure de « surveillance judiciaire », qui entraîne une série de contraintes, ou pour les sortants considérés moins dangereux, diriger ceux-ci vers le « programme d’accueil individualisé et de réaffiliation sociale » de prise en charge individualisée par une équipe d'éducateurs spécialisés, de médiateurs interculturels et religieux, de conseillers d'insertion et de psychologues. En France, le principal défi pour l'administration pénitentiaire dans les prochaines années sera le suivi des terroristes sortant de détention. Il est prévu que 81 d'entre eux seront libérés entre 2019 et 2022.

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Autorités locales : initiatives sur le terrain et un rôle plus important Un certain nombre de collectivités françaises ont développé des initiatives de prévention de la radicalisation qui, dans l'ensemble, traitent trois thématiques : 1) sensibiliser les former le personnel local et les partenaires associatifs ; 2) détecter les signaux faibles et identifier les individus concernés ; 3) gérer ces individus. De plus, la coopération entre l'État et les collectivités a été renforcée depuis 2016, notamment en ce qui concerne la prévention.

Acteurs impliqués dans les « cellules d’écoute et d’accompagnement » Selon une étude effectuée en 2016 par le secrétariat général du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation, portant sur les 95 départements français, les administrations suivantes suivent les individus radicalisés ou en voie de radicalisation :

 Services déconcentrés de l'État : services de l’Éducation nationale, de la police nationale, de la gendarmerie nationale, et les Agences régionales de santé.

 Services du ministère de la Justice : procureurs de la République, Protection judiciaire de la jeunesse et Services pénitentiaires d’insertion et de probation

 Collectivités locales : les conseils départementaux et les communes sont associés aux cellules de suivi (dans un tiers des cas examinés).

 Réseaux de professionnels et associatifs : ce sont des acteurs variés qui interviennent dans différents champs : psychologique, social, professionnel, éducatif, accompagnement à la parentalité, aide aux victimes (caisses d’allocations familiales, services de pôle emploi, prévention spécialisée, missions locales, associations d’aide aux victimes, maisons des adolescents, réseaux de soutien à la parentalité, associations de lutte contre les dérives sectaires, etc.). Ils accompagnent les familles et/ou prennent en charge les individus signalés comme radicalisés en offrant un soutien psychologique, social et professionnel.

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 Les responsables religieux : ils sont rarement représentés dans les cellules de suivi (seulement 17 départements), mais les autorités espèrent que davantage d'entre eux seront associés.

Gouvernance et évaluation Le Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR) détermine au niveau national la politique de prévention de la radicalisation. Avec une trentaine de collaborateurs, il est chargé d’organiser les sessions de formation à destination des référents « radicalisation » désignés au sein des services de l’État et, de manière plus large, au sein des associations, collectivités territoriales et autres services concernés. Par ailleurs, il répartit, via le fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD), les subventions entre les différentes associations pertinentes, aux niveaux national et territorial. Enfin, il est chargé d'évaluer l’efficacité du dispositif territorial de prise en charge des personnes radicalisées par les associations et services de l’État et de la diffusion des bonnes pratiques. L'évaluation des dispositifs et initiatives menées à l'échelle nationale demeure très empirique. Deux récents rapports parlementaires insistent sur la nécessité de mettre en réseau les expériences françaises avec celles d’autres pays et plaident pour la mise en place d’un protocole national d’évaluation de certaines initiatives locales, ainsi qu’une réflexion sur les modalités de généralisation des plus prometteuses d'entre elles.

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1.3 Allemagne : un modèle hybride avec une approche centrée sur la sécurité

>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> En raison du système fédéral complexe en Allemagne, ni l’approche étatique ni l’approche centrée sur la société civile n’ont prévalu jusqu’à présent. Le pays reste un modèle hybride où les priorités et les succès dépendent des Länder27.

1. La stratégie du gouvernement fédéral pour prévenir l'extrémisme et promouvoir la démocratie Outre les mesures appliquées par les agences de sécurité, la stratégie nationale allemande de prévention de l'extrémisme et de promotion de la démocratie comprend des approches qui « vont de la promotion de la participation au sein de la société civile au renforcement des contre-pouvoirs démocratiques au travers d'un travail pédagogique de prévention avec les enfants, les jeunes et les jeunes adultes, leurs parents et d'autres référents, d'un travail d'éducation politique, de la transmission de savoir, du renforcement des capacités d'action des spécialistes et des multiplicateurs et enfin de l'offre de services de conseil »28. Le gouvernement fédéral offre différentes lignes de financement. La plus importante est le programme fédéral « Démocrative vivante ! Action contre l'extrémisme de droite, la violence et la haine », dont le financement a pratiquement doublé pour atteindre 120,5 millions d'euros en 2018. Le programme fédéral « Cohésion par la participation » a pour objectif de renforcer les capacités des acteurs régionaux et locaux, notamment 27. Cette section est tirée d'un article rédigé dans le cadre du projet PREPARE : Till Baaken et Maximilian Ruf (Violence Prevention Network), Allemagne : un modèle hybride avec une approche centrée sur la sécurité, 2019. https://efus.eu/files/2019/04/2019_Germany-FR.pdf 28. Bundesregierung, Strategie der Bundesregierung zur Extremismusprävention und Demokratieförderung, 2018, p. 10.

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dans les régions allemandes les plus structurellement faibles. La troisième institution impliquée dans cette approche est l'Agence fédérale pour l'éducation civique.

2. Les rôles et les relations entre l'État et la société civile L'Allemagne est souvent décrite comme bénéficiant d'un engagement exceptionnel de la société civile. Cependant si les associations et les initiatives de la société civile jouent bien un rôle significatif, elles sont loin d'être prépondérantes. Une comparaison rapide avec la France ou le Royaume-Uni permet de mesurer combien l'approche allemande est « douce » et réserve un rôle important à la société civile. Cette approche, toujours activement soutenue par la stratégie officielle du gouvernement, de même que les approches divergentes du Royaume-Uni et de la France, est liée à une compréhension historique particulière de l'État et de la société et s'est développée de façon organique dans le contexte de la société allemande

3. Domaines d'action et paramètres 3.1 Conseil aux familles et à l'environnement social Le point de contact central à l'échelle nationale en matière de soutien à l'environnement social dans le contexte de l'extrémisme islamiste est le « Centre de conseil sur la radicalisation » de l'Office fédéral de la migration et des réfugiés (Bundesamt für Migration und Flüchtlinge BAMF). Concernant le soutien à l'environnement social dans le contexte de l'extrémisme de droite, des « Équipes mobiles de conseil » (Mobile Beratungsteams) ont fait la preuve de leur bien-fondé depuis de nombreuses années. Elles n'interviennent pas directement avec les individus (potentiellement) radicalisés. Un deuxième objectif du soutien à l'environnement social est le travail pédagogique et de sensibilisation avec l'environnement privé et professionnel des personnes en risque de radicalisation.

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3.2 Soutien aux personnes en risque de radicalisation ou (partiellement) radicalisées Travailler sur l'environnement des individus en question peut être un premier pas vers un travail direct avec les personnes (partiellement) radicalisées. Les relais en ce qui concerne l'environnement social sont, outre les enseignants, les praticiens qui travaillent dans des institutions telles que les centres de soutien à l'enfance et aux familles, les agents de police et d'autres professionnels qui peuvent être en contact professionnel direct avec des individus en risque de radicalisation. La formation des relais de façon individuelle ou en groupe est un aspect fondamental de la prévention et de la déradicalisation. Une autre option pour initier un premier contact avec le groupe cible est le travail social de rue « classique ».

3.3 Soutien pour quitter les groupes extrémistes et stabilisation ultérieure Les structures de soutien pour aider les individus à sortir des groupes extrémistes s'inscrivent dans la prévention tertiaire et leur objectif principal est un processus de distanciation cognitif ou habituel. En Allemagne, les programmes dits de sortie sont prépondérants et sont fondés sur le travail du Norvégien Tore Bjørgo, qui a lancé dès 1997 un projet pilote intitulé « Projet Exit – Quitter les groupes violents ». D'autres programmes de cette nature sont HAYAT, le Violence Prevention Network et les ONG qui font partie d'un groupe de travail intitulé Ausstieg zum Einstieg (« sortie vers l'entrée »).

3.4 La déradicalisation dans le système pénitentiaire L'une des nouvelles priorités de financement de la section « Projets pilotes innovants » du programme « Démocratie vivante ! » est la « prévention et la déradicalisation en prison et en probation ». Les projets financés dans ce contexte proposent des solutions préventives et pédagogiques aux jeunes délinquants détenus, ainsi qu'un soutien pendant et après la peine de prison. De plus, ils proposent aux détenus déjà

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radicalisés des interventions de sortie et de distanciation. Cette partie du programme privilégie également les projets destinés à qualifier et former le personnel pénitentiaire qui traite avec les détenus vulnérables à la radicalisation et ceux déjà radicalisés. L'étude la plus complète sur l'extrémisme dans les prisons allemandes a été publiée en juin 2017 par « Kriminologische Zentralstelle e.V. »29. Selon cette étude, les offres d'intervention peuvent comprendre notamment des options éducatives, des interventions de nature confessionnelle, psychologique ou cognitive, des activités créatives ou culturelles, du sport, ou l'inclusion de membres de la famille ou de mentors qui sont alors appelés « écoutants ».

4. L'évaluation Si l'évaluation fait désormais partie de la quasi-totalité de ces programmes en Allemagne, cela signifie rarement une évaluation d'impact, mais plutôt une évaluation de process et formations, afin de mieux comprendre certains processus de prévention et de déradicalisation, et donc d'améliorer continuellement le travail mené au sein de ces projets respectifs. Bien que l'on n'ait pas trouvé de méthode à la fois scientifiquement valide et utile pour mesurer l'impact de ce type de travail, cette stratégie sera poursuivie dans un avenir prévisible.

5. Conclusion Cette diversité d'approches distingue certainement l'Allemagne des autres pays européens. Si l'on prend en compte le besoin de diversité professionnelle face à la menace des idéologies extrémistes et de leurs différents facteurs, la stratégie de la diversité s'avère bien fondée et continuera de l'être. Dans ce contexte, les expériences et approches différentes doivent être comprises comme une opportunité plutôt qu'un manque de standards. Mais il reste des problèmes importants et, surtout, le manque de sécurité et de pérennité des structures de financement empêche les ONG de recruter et retenir sur le long terme du personnel qualifié. 29. Kriminologische Zentralstelle, Extremismus im Justizvollzug. Literaturauswertung und empirische Erhebungen, 2017.

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1.4 Pays-Bas : une dimension locale forte dans les programmes de déradicalisation, désengagement et réhabilitation

>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> L'approche néerlandaise peut être résumée comme étant multi-organisationnelle, intégrée et globale. De plus, elle prévoit une mise en œuvre à l'échelle locale. Autant la prison que la probation contribuent à la déradicalisation, au désengagement et à la réintégration en coopération avec les municipalités. Cette approche locale est soutenue à l'échelle nationale.30

La stratégie nationale néerlandaise contre l'extrémisme violent Le gouvernement néerlandais met en œuvre la Stratégie nationale de contre-terrorisme 2016-202031, qui est fondée sur le risque, c'est-àdire centrée sur la menace djihadiste, bien qu'elle inclue également d'autres formes d'extrémisme. Deux principes de cette stratégie sont particulièrement importants :

 Il s'agit d'une approche globale qui comprend des mesures préventives, répressives et curatives à mettre en œuvre de façon collaborative entre les organisations et agences concernées.

 Cette approche globale est déclinée au niveau local, en particulier par la gestion pluridisciplinaire des cas et l'engagement actif de la communauté. De plus, le gouvernement a publié en 2017 un document politique sur le terrorisme dans lequel il s'engage à « investir dans la déradicalisation, la réintégration et l'approche judiciaire ».32 Concernant les returnees

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30. Cette section est tirée d'un article rédigé dans le cadre du projet PREPARE : Steven Lenos (RadarAdvies) et Harald Weilnböck (Denkzeit), The Netherlands: A strong local emphasis in de-radicalisation, disengagement and rehabilitation programmes, 2019. 31. Coordonnateur national pour la sécurité et le contre-terrorisme, National Counterterrorism Strategy for 2016-2020, 2016. 32.National Coordinator for Security and Counterterrorism (NCTV selon le sigle en néerlandais), Integrale aanpak terrorisme, 2017.


(ceux qui reviennent des zones de combat), l'approche demande de développer davantage les méthodes de déradicalisation en prison et à la sortie et ainsi que celles de réintegration.

Autorités locales : des acteurs clés de la prévention, à la sortie et pour la re-socialisation Les autorités locales sont responsables de la gestion individuelle des cas et de l'élaboration d'approches sur mesure et personnalisées. Elles sont notamment en charge de mettre en place des « conférences de cas » où toutes les parties concernées échangent sur les cas d'individus radicalisés ou en voie de l'être, ainsi que sur les returnees. Elles sont aussi responsables de l'approche « personnalisée », qui requiert que toutes les parties concernées échangent des informations pertinentes sur un individu, le plus tôt possible. Ceci est primordial pour évaluer de façon complète et effective les risques posés par l'individu en question. Un modèle national de l'approche individualisée a été élaboré dans le but de clarifier le cadre légal dans lequel les participants aux conférences de cas peuvent échanger des informations sur les individus engagés dans un processus de radicalisation ou sur le point de l'être. Les cas sont normalement gérés par les Safety Houses pluridisciplinaires, où les partenaires locaux et régionaux pour la sécurité et la prise en charge coopèrent sous la supervision de l'autorité locale. De plus, les conférences de cas permettent d'échanger sur les risques posés par les returnees ou les prisonniers sur le point d'être rendus à la société, et des mesures sont prises pour minimiser les risques et optimiser la re-socialisation. Le mot clé est sur-mesure. Les interventions potentielles vont des poursuites judiciaires à la résidence surveillée, en passant par les programmes de prise en charge ou de déradicalisation.

Les prisons Tous les détenus, y compris ceux pour terrorisme, font l'objet d'un Plan de détention et de réinsertion (D&R) qui décrit comment fonc-

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tionne la coopération entre la prison, l'ex-détenu et les partenaires tels que les autorités locales. La probation intervient comme conseil sur ce plan D&R tandis que, pour ce qui concerne les détenus pour terrorisme, cette fonction revient à l'équipe des services de probation spécialisée TER (Terrorisme, Extrémisme et Radicalisation). Ce plan a trois dimensions : sûreté et sécurité ; prise en charge et re-socialisation ; réinsertion. Le plan D&R peut comprendre un programme personnalisé de déradicalisation auquel le détenu doit postuler volontairement. Ce programme est personnel, c'est-à-dire fait sur mesure et non dupliqué de façon indifférenciée. Les autorités locales peuvent offrir un soutien additionnel pour le logement, la gestion des dettes, la demande de services sociaux, mais à condition que l'ancien détenu coopère assidûment à son processus de déradicalisation. Les prisons ont l'obligation d'informer la municipalité du dernier lieu où le détenu a résidé avant son incarcération et de sa date de libération afin que celle-ci puisse préparer sa réintégration.

Probation : l'équipe TER Le service néerlandais de probation soutient cette approche globale. Il a élaboré sa propre approche en 2012, intitulée TER pour Terrorisme, Extrémisme et Radicalisation. L'équipe spécialisée TER compte environ 15 professionnels expérimentés qui sont formés aux techniques de conversation avec les personnes ayant une idéologie extrémiste. Le public cible de l'équipe TER ne compte pas seulement les détenus condamnés pour terrorisme, mais aussi d'autres prisonniers qui sont considérés comme étant potentiellement en voie de radicalisation. L'équipe TER peut même être « recrutée » par les municipalités pour les conseiller et leur apporter un soutien dans les cas de prévention qui n'ont pas donné lieu à des poursuites. Les activités TER consistent en visites à domicile, contacts avec la famille, conversations critiques et interventions cognitivo-comportementales durant lesquelles l'équipe TER guide l'individu et vérifie si celui-ci respecte les mesures qui lui sont appliquées, tels que la résidence surveillée et les

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restrictions à l'usage des réseaux sociaux ou de contacts. L'équipe TER coopère avec tous les partenaires concernés, tels que les autorités locales, les services de la jeunesse, le Coordonnateur national pour le contre-terrorisme et la sûreté (NCTV), la police et le Parquet. À ce jour, l'équipe TER a suivi 60 individus et a donné 150 avis.

L'approche locale soutenue par le Coordonnateur national du contre-terrorisme et de la sûreté et le Centre national d'expertise sur l'extrémisme L'approche locale est soutenue par le Coordonnateur national du contre-terrorisme et de la sûreté (NCTV), qui développe des outils et facilite l'échange de connaissances entre les acteurs locaux de différentes municipalités. Le NCTV est aussi informé et parfois participe aux conférences de cas locales. De plus, le NCTV a mis en place un Centre national d'expertise sur l'extrémisme qui apporte un soutien familial et des consultations individuelles et en groupe pour les personnes confrontées à des problèmes de radicalisation. Cette équipe pluridisciplinaire rassemble 30 professionnels très expérimentés dans les domaines de la radicalisation, de la violence domestique et « d'honneur », la prise en charge des jeunes, la gestion de crise et le travail interculturel. Basé dans la région d'Utrecht, ce Centre d'expertise intervient dans tout le pays.

1.5 Espagne : 15 années de travail sur la radicalisation en prison

>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> En Espagne, les premières mesures pour prévenir, détecter, suivre et neutraliser de possibles processus de radicalisation en prison ont été prises à la suite des attentats de Madrid, en 2004.33 33. Cette section est tirée de l'article de recherche préparé par Maria Lozano-Alia dans le cadre du projet PREPARE, Spain: 15 years of work on radicalisation in prison, 2019.

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Stratégie nationale L'Espagne a adopté en 2015 le Plan stratégique national de lutte contre la radicalisation violente34, qui réplique à l'échelle nationale la Stratégie de contre-terrorisme de l'Union européenne, ainsi que la Stratégie de l'UE visant à lutter contre la radicalisation et le recrutement de terroristes, publiée quelque temps après.35 De façon schématique, on peut dire que le Plan national définit trois domaines d'action distincts : la prévention (avant), la surveillance (pendant) et l'action (après). Le plan comprend une « référence spéciale au traitement dans les centres pénitentiaires des cas d'individus détenus pour leur participation à des actes violents ou, dans tous les cas, leurs liens avec le terrorisme. » La stratégie de l'Espagne contre la radicalisation en prison remonte à 1972, lorsque le premier membre de l'organisation terroriste basque ETA a été incarcéré. Plus récemment, des mesures ont été prises après les attentats de Madrid en 2004, ainsi qu'en 2008 et 2011. Le Programme de Prévention de la Radicalisation en Prison en cours a été lancé en 2014.

Politique pénitentiaire actuelle en Espagne L'objectif général de la politique pénitentiaire est de prévenir le recrutement et l'endoctrinement de nouveaux terroristes en prison en détectant, neutralisant, désengageant et déradicalisant les prisonniers qui montrent des signes d'adhésion à une idéologie extrémiste. Deux programmes sont actuellement mis en œuvre :

34. Ministère de l'Intérieur du gouvernement espagnol, Plan estratégico nacional de lucha contra la radicalización violenta (PEN-LCRV), 2015. 35. Conseil de l'Union européenne, Estrategia de la Unión Europea para luchar contra la radicalización y la captación de terroristas, 2015.

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1. Programme pour la prévention de la radicalisation dans les centres pénitentiaires (2014) Ce programme se concentre sur les mesures de détection et de prévention des processus de recrutement et de radicalisation des détenus musulmans. Son objectif est de collecter, analyser et systématiser une série de données et de variables pertinentes pour détecter et limiter des processus naissants ou consolidés de radicalisation.

Groupes de contrôle et suivi Créés en 2009, les « groupes de contrôle et de suivi » rassemblent des fonctionnaires qui, au sein des prisons, sont spécialement formés à l'analyse de données et de variables pertinentes afin de détecter et de limiter des processus naissants ou consolidés de radicalisation. Une coordination et une coopération spécifiques sont établies avec les forces de sécurité pour gérer ces informations.

2. Programme-cadre pour l'intervention dans les cas de radicalisation violente de détenus islamistes (2016) Ce programme complète et poursuit les précédents programmes de prévention. Il est fondé sur les principes directeurs et les objectifs de la politique pénitentiaire espagnole, aux termes de laquelle l'administration pénitentiaire, outre qu'elle assure la détention pendant la peine, offre des activités de rééducation aux détenus afin de préparer leur réintégration sociale et permettre qu'ils retournent à la société avec la capacité et la volonté de respecter la loi. Comme son nom l'indique, le Plan d'action spécifique pour la prévention de la radicalisation dans les centres pénitentiaires est conçu pour les prisonniers classés comme radicaux violents. Il cherche à les amener à rejeter la violence et se désengager de leur organisation criminelle / extrémiste, et à renoncer à recruter d'autres militants. Plusieurs types de techniques et de modules de formation / sensibilisation sont utilisés pour encourager les détenus radicaux à changer

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leurs convictions et leurs comportements. De plus, en ce qui concerne les délinquants musulmans, les autorités espagnoles envisagent d'associer à ces programmes la Fédération espagnole des entités religieuses musulmanes (Federación española de entidades religiosas islámicas).

Probation Dans le système légal espagnol, il n'existe pas de disposition pour des programmes de déradicalisation / désengagement liés à la probation. Quoi qu'il en soit, toutes les décisions sur les mesures à appliquer pendant la probation sont prises par un juge et ne sont pas automatiquement approuvées.

Le rôle des autorités locales Le Plan national contre la radicalisation comprend la figure du coordonnateur local pluridisciplinaire comme point de contact au sein des forces locales de sécurité, en charge de centraliser l'information sur tout processus de radicalisation ayant été détecté localement. De plus, le Plan prévoit que chaque municipalité doit avoir un Groupe local pluridisciplinaire contre la radicalisation violente, dont le mode opératoire sera calqué sur celui des Groupes nationaux contre la radicalisation violente. Comme mentionné dans le Plan national contre la radicalisation, lorsqu'un délinquant pour faits de terrorisme / extrémisme est libéré à la fin de sa peine, son établissement pénitentiaire échange toutes les informations pertinentes sur ce cas avec le coordonnateur pluridisciplinaire local (c'est-à-dire dans le territoire où la prison est située).

Professionnels impliqués Les professionnels qui travaillent sur la prévention ou la lutte contre la radicalisation en prison et en probation viennent de différents milieux professionnels et organisations / institutions.

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Les autorités cherchent à promouvoir une interprétation modérée de l'islam avec l'aide d'imams modérés. Un accord a été signé dans ce sens entre le Secrétariat général des institutions pénitentiaires et la Fédération espagnole des entités religieuses musulmanes.

L'approche partenariale Le développement complexe du programme demande une coordination entre les équipes de traitement (juristes, psychologues, travailleurs sociaux et éducateurs) et les groupes de contrôle et de suivi. De la même manière, l'information sera partagée entre la prison et le Coordonnateur local chaque fois qu'est libéré un prisonnier ayant purgé une peine pour extrémisme ou terrorisme.

Gouvernance de ces initiatives La coordination de ces mesures est assurée par le Directeur adjoint de la sécurité de la prison, qui est responsable de partager l'information sur les détenus concernés avec l'équipe de direction.

Évaluation Leçons tirées du programme d'intervention : 1. Il est nécessaire de continuer à travailler sur le programme et de l’actualiser, notamment la phase de suivi pour inclure des activités de suivi après la fin du programme. De plus, il serait intéressant d'impliquer davantage de professionnels, probablement avec le soutien des autorités locales. 2. I l serait judicieux de changer le nom du programme et de certaines activités afin d'enrôler davantage de détenus, car certains s'en détournent à cause de la dénomination actuelle. 3. I l est nécessaire de travailler à renforcer l'alliance thérapeutique entre les détenus et les thérapeutes. 4. I l est crucial d'améliorer les descriptions dynamiques du programme.

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5. I l serait nécessaire d'avoir un système récompensant les participants en fonction de leur degré de participation et de leurs efforts. 6. L a collaboration avec les imams musulmans doit être renforcée et suscitée à toutes les étapes. 7. I l est nécessaire de renforcer les études et la recherche sur le terrain pour analyser plus profondément les facteurs d'attraction et de répulsion de la radicalisation en prison afin d'améliorer la conception et la mise en œuvre de ces programmes.

1.6 Suède : un programme destiné à l'origine aux membres des gangs qui souhaitent se désengager

>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Seuls quelque 90 détenus en Suède le sont pour radicalisme violent. Les autorités utilisent avec ces individus un programme développé à l’origine pour encourager les membres des gangs à se désengager36

Stratégie nationale Environ 90 individus sont détenus en Suède pour extrémisme violent, dont la majorité sont d'allégeance islamiste et le reste venant d'un milieu néo-nazi. La stratégie nationale adoptée par les autorités suédoises pour gérer ces délinquants est fondée sur quatre principes clés :

 le travail mené en détention et en probation qui cherche à les encourager à changer leur vie, tout en maintenant un niveau élevé de sécurité et en évaluant constamment les risques ;

 les détenus sont surveillés afin de repérer tout changement individuel et de groupe ; 36. Cette section est tirée de l'article de recherche préparé par Robert Örell (Fryshuset / Exit Suède) dans le cadre du projet PREPARE, Sweden: A programme originally designed for the disengagement of gang members, 2019

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 outre ce contrôle permanent, des efforts sont menés pour établir la confiance avec les détenus et les encourager à changer ;

 le programme Entré, développé à l'origine pour les membres de gangs qui souhaitaient se désengager, est aussi utilisé pour les délinquants extrémistes qui veulent changer leur vie et quitter le milieu extrémiste. Fondé sur la coopération entre différentes organisations/institutions, le programme travaille sur les valeurs et montre qu'il existe des alternatives à la violence et au crime. La Suède a une « stratégie de dispersion » pour les détenus relevant de l’extrémisme violent : ceux-ci sont répartis dans différentes prisons pour éviter la formation de clans et le « recrutement » entre détenus. Par ailleurs, dans le cadre du travail correctionnel habituel, des efforts sont menés pour établir un dialogue et la confiance entre les détenus et le personnel pénitentiaire afin d'amener un changement des croyances et des comportements (par exemple au travers du programme STICS, voir ci-dessous). L'accent est mis sur la préparation des situations et défis de l'après-libération. Une part importante de ce travail consiste ainsi à identifier, au sein de la population pénitentiaire, les individus qui sont impliqués dans des groupes extrémistes violents ou risquent de l'être. Un autre aspect concerne le personnel pénitentiaire, que l'on encourage à travailler sur ses propres valeurs et à agir comme modèle par son comportement, attitude et valeurs. En particulier, cela implique de s'assurer qu'il traite correctement et équitablement les détenus, tout en étant vigilant sur les risques pour la sécurité et toute modification du comportement et des attitudes.

Entré – un programme suédois pour favoriser la désistance des gangs Entré est un programme de probation offrant une approche sur mesure pour soutenir les délinquants pendant la phase de leur peine ayant lieu après la sortie de prison. Fondé sur l'établissement de relations de confiance et d'une alliance avec les clients, le programme se focalise sur les solutions pour avancer dans la vie et changer les valeurs, en

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abandonnant les croyances violentes et extrémistes en faveur de normes et de valeurs modérées et non violentes. Les interventions cherchent à créer de nouvelles expériences qui encouragent le délinquant à modifier ses valeurs, attitudes et normes. Mis en place il y a quelques années, Entré a réussi à soutenir les individus prêts à quitter leurs gangs criminels organisés. Actuellement (2019), il est testé par le Service pénitentiaire et de probation suédois pour les détenus condamnés pour faits d'extrémisme et violent. Il semble à ce jour prometteur. De plus, au travers de la coopération entre les organismes/institutions concernés, Entré offre aux individus un soutien en matière de logement, d'emploi, d'étude ou d'activité au sein d'une ONG. Il s'agit d'aider le client à construire une nouvelle vie et à créer un environnement adéquat où le risque de récidive et de retour auprès d'un groupe extrémiste violent est réduit.

Le programme STICS sur le changement de valeurs et de schémas comportementaux Un autre programme souvent utilisé est STICS (Strategic Training in Community Supervision, ou formation stratégique à la supervision communautaire), créé au Canada. Utilisé dans le cadre du travail de probation, STICS travaille sur les valeurs et schémas de pensée de l'individu par une thérapie cognitivo-comportementale, dans l'objectif d'amener un changement de mode de vie.

Formation du personnel et coopération multi-partenariale Une part importante du travail en prison et en probation avec les délinquants extrémistes dépend de la formation adéquate du personnel pénitentiaire, notamment au sujet des environnements et idées extrémistes, des processus de radicalisation, des méthodes d'intervention et du travail au sein d'un partenariat pluridisciplinaire. En effet, l'une des difficultés du travail avec les extrémistes violents, que ce soit en prison ou à l'extérieur, est la crainte qu'ils inspirent au

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personnel. Donner des informations sur le fonctionnement du processus de radicalisation et expliquer l'approche adoptée avec les individus extrémistes permet d'alléger de telles craintes. Une autre priorité est la coopération multi-partenariale. Les autorités pénitentiaires et de probation doivent parfois motiver les autorités et les services locaux, sociaux et autres, pour qu'ils soutiennent leur client. Il est en effet essentiel d'avoir une coopération étroite avec les partenaires locaux pour fournir un service adéquat aux délinquants lorsqu'ils sortent de prison. À noter : le client doit donner son autorisation avant de mobiliser les autorités locales et autres partenaires.

Public cible Le programme Entré vise les individus qui veulent se détourner des gangs criminels et groupes extrémistes violents. La population des extrémistes violents dans les prisons suédoise est faible, avec environ 90 individus.

L'approche multi-partenariale L'approche multi-partenariale est centrale dans le travail en prison et en probation menée en Suède, et elle influe aussi sur le travail mené avec les détenus et les clients.

Rôle des autorités locales Le service de probation travaille selon les besoins spécifiques de chaque client et en fonction de chaque situation. La probation est obligatoire et ne requiert par le consentement du client, sauf lorsqu'un travail multi-partenarial est mené.

Professionnels impliqués De nombreux professionnels sont impliqués dans cette approche. Les services pénitentiaires et de probation sont bien sûr en première ligne mais, selon les besoins, d'autres services interviennent aussi.

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Gouvernance de ces initiatives La gouvernance de ces initiatives varie selon les cas individuels. Par exemple, un individu impliqué dans une affaire de terrorisme sera surveillé par le service national de sécurité, alors qu'un individu condamné pour un délit moins grave sera suivi par l'autorité locale de probation. Des directives sur la gouvernance sont fournies par le Service central des prisons et de la probation.

Évaluation Il n'existe pas encore d'évaluation scientifique du programme Entré, notamment parce qu'il n'y a pas encore suffisamment de cas permettant une évaluation proprement dite. Toutefois, le programme a été suivi de près par des professionnels nationaux et internationaux et est considéré comme prometteur.

1.7 Royaume-Uni

>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Une stratégie pour la prévention précoce de la radicalisation, y compris en prison et en probation Le Royaume-Uni a une stratégie anti-terroriste qui comprend quatre volets dont l’un, intitulé « Prevent », est destiné à prévenir le radicalisme chez les individus le plus en amont possible. Cette stratégie a été actualisée en 2015 pour inclure le rôle des prisons et de la probation dans la prévention et le désengagement37.

37. La section qui suit est tirée d'un article de recherche préparé par Tim Chapman (European Forum for Restorative Justice) dans le cadre du projet PREPARE, United Kingdom: A strategy for the early prevention of radicalisation including in prison and probation, 2019.

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1. Préparation de la stratégie nationale contre la radicalisation Le Royaume-Uni comprend trois juridictions : l'Angleterre et le Pays de Galles, l'Écosse, et l'Irlande du Nord. Chacune est distincte et répond à la menace de l'extrémisme violent de manière différente. L'approche du gouvernement britannique en matière de terrorisme est décrite dans sa Stratégie contre l'extrémisme de 2015.38 Elle définit l'extrémisme comme « l'opposition en paroles ou actes à nos valeurs fondamentales, y compris la démocratie, l'état de droit, la liberté individuelle et le respect mutuel et la tolérance des croyances religieuses ou autres. Nous considérons également comme extrémiste tout appel à tuer des membres des forces armées. » En juin 2018, le gouvernement a publié CONTEST, une nouvelle stratégie de contre-terrorisme, dont les quatre axes – Prevent, Pursue, Protect et Prepare – ont été révisés. Prevent a pour objectif de décourager l'adhésion au terrorisme et de garantir que les individus concernés reçoivent les conseils et le soutien nécessaires. Cet aspect de la stratégie du gouvernement britannique est celui qui concerne le plus le projet PREPARE de l’Efus parce qu'il cherche directement à répondre rapidement à et soutenir ceux qui sont potentiellement en risque de radicalisation. Prevent cherche à intervenir le plus tôt possible et à soutenir de façon proactive les individus ou les groupes afin d'empêcher qu'ils ne deviennent des terroristes ou soutiennent le terrorisme. Pour ce faire, les activités et les ressources sont concentrées sur les lieux où le risque de terrorisme et de radicalisation est le plus élevé. De plus, il cherche à enrôler les individus jugés à risque dans des programmes de désengagement ; il encourage le travail multi-partenarial ; il cherche à prévenir la dissémination de contenus terroristes en ligne, et il construit des partenariats solides avec les communautés locales, la société civile et les institutions publiques. Toutefois, il est important de noter que Prevent a été critiqué au Royaume-Uni comme favorisant une culture islamophobique.

38. Gouvernement britannique, Home Office, Counter-Extremism Strategy, 2015.

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2. La prévention de la radicalisation en prison, à la sortie et en probation Au Royaume-Uni, le Service national de gestion des délinquants (National Offender Management Service, NOMS) est responsable du service de probation et du service des prisons. Tous les détenus condamnés pour faits extrémistes qui sont incarcérés ou qui vivent dans leur communauté et qui sont jugés aptes peuvent suivre le programme Healthy Identity Intervention (HII, intervention d'identité saine), qui a pour but de désengager les participants des groupes ou idéologies extrémistes en se concentrant sur le concept d'identité. C'est un processus au cours duquel ils sont encouragés à se dissocier des influences négatives et à reprendre leur vie en main dans une direction positive. Les individus sont évalués avec la grille Extremism Risk Guidelines 22+ (ERG 22+, orientation 22+ sur le risque d'extrémiste), à la suite de quoi le programme est personnalisé en fonction des risques, besoins et circonstances individuelles de chaque participant. Les modules du programme permettent aux participants de : 1. Satisfaire leurs besoins individuels sans avoir besoin de rejoindre un groupe, une cause ou une idéologie extrémiste 2. Renforcer en eux la conscience qu'ils sont capables de prendre des décisions sur leurs engagements actuels et à venir 3. Confronter leurs attitudes, croyances et pensées favorables à la délinquance 4. Pouvoir exprimer leurs valeurs et poursuivre leurs buts sans avoir besoin de commettre un délit 5. Renforcer leur tolérance et leur acceptation des émotions difficiles. À la sortie de prison, il convient d'utiliser les Arrangements multiagences pour la protection du public (Multi-Agency Public Protection Arrangements, MAPPA) pour gérer le risque et il convient également de prendre en considération la possibilité d'un renvoi sur Channel.

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Au Royaume-Uni, la probation comprend deux structures organisationnelles : une agence publique, le Service national de probation qui supervise les cas à haut risque, et les Compagnies de réhabilitation dans la communauté (Community Réhabilitation Companies), qui sont des organisations privées supervisant les individus présentant un risque faible. La probation joue un rôle clé dans la réduction des risques de terrorisme à l'échelle locale. Chaque division du Service national de la probation doit désigner un Probation Counter-Terrorism Lead (PCTL, Responsable du contre-terrorisme en probation) qui doit travailler au sein du Partenariat pour la Sécurité de la Communauté (Community Safety Partnership). En particulier, les PCTL sont en charge de coordonner le partage de renseignement avec tous les organismes pertinents, notamment la police et les prisons, et d'être un point de contact unique pour toute information relative aux progrès réalisés par les individus délinquants. Une gamme d'intervention personnalisée et d'assistance pratique a été élaborée pour répondre aux causes de la radicalisation, au besoin d'identité, d'estime de soi, de sens et de but, et pour répondre aux griefs personnels exacerbés par les discours extrémistes. Ce soutien peut prendre la forme d'un mentorat, d'un soutien psychologique et théologie, et de conseils idéologiques.

3. Le rôle des autorités locales dans les initiatives mentionnées ci-dessus lors de la libération de prison et en probation En 2015, la loi a été renforcée pour inclure l'obligation pour certaines organisations, y compris les autorités locales, de prévenir l' « entraînement dans le terrorisme ». Les Directives révisées sur les obligations liées à la stratégie Prevent révisée pour l'Angleterre et le Pays de Galles (2015)39 spécifient ce qui est attendu des autorités locales. Celles-ci doivent travailler au sein d'un partenariat pluridisciplinaire et utiliser les profils sur le contre-terrorisme local produits par la police pour évaluer le risque pour certains individus 39. Gouvernement britannique Home Office, Revised Prevent Duty Guidance for England and Wales, 2015.

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d'être entraînés dans le terrorisme, puis travailler conjointement avec les coordonnateurs Prevent, les écoles, les services à la jeunesse, les universités, les prisons locales, les services de probation, de santé, de l'immigration et les équipes spécialisées dans la délinquance juvénile. Des plans d'action Prevent locaux doivent être élaborés afin d'identifier et fixer les priorités, et de mettre en œuvre les projets, interventions ou autres activités destinés à réduire le risque d'adhésion au terrorisme. Tous les dossiers concernant ces activités doivent être conservés pour reporting au gouvernement (selon les mécanismes prévus). Le personnel doit recevoir une formation appropriée et les ressources des autorités locales, y compris Internet, ne doivent pas être utilisées comme plateforme pour disséminer des vues extrémistes.

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3.1 Channel Channel est un programme qui fait partie de la stratégie Prevent, au travers duquel la police travaille avec les autorités locales, les travailleurs sociaux, le National Health Service (le service national de santé), les écoles et la Justice pour identifier les individus à risque d'être attirés vers le terrorisme, évaluer les risques et déterminer comment intervenir pour réduire ce risque. Les interventions peuvent inclure le mentorat ou des programmes structurés pour réduire le risque.

4. Autres initiatives dignes d'intérêt Quilliam est une organisation basée à Londres spécialisée dans le contre-extrémisme. Elle mène des campagnes contre l'islamisme et fait du lobbying auprès du gouvernement. Elle cherche à contrer la radicalisation en questionnant ses arguments. Quilliam publie des rapports, contacte régulièrement la presse et met en œuvre un programme de « sensibilisation à la radicalisation » au travers de son unité Sensibilisation et Formation (Outreach and Training). Toutefois, elle est critiquée par d'autres organisations musulmanes qui lui reprochent de ne pas être représentative de la population musulmane au Royaume-Uni.

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Partie 2

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Nouvelles stratĂŠgies municipales de prĂŠvention Les projets pilotes PREPARE

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2.1 Avignon

>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Informations générales Population : environ 217 500 habitants Pays et région : France, département du Vaucluse, Région Provence Alpes Côte d'Azur Site officiel : http://www.avignon.fr/ Page web du service en charge de la radicalisation : http://www.avignon.fr/ma-ville/securite/

Résumé Dans le cadre de PREPARE, la municipalité d'Avignon a travaillé avec la Fondation Agir Contre l’Exclusion (FACE) pour chercher ensemble comment mieux accompagner les délinquants libérés de prison qui sont jugés en risque de radicalisation. Ce projet local était destiné à favoriser une coopération plus étroite entre la municipalité et divers acteurs, tels que le Service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP), la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), la police et les associations locales opérant dans le domaine de la réinsertion et de la réhabilitation.

Contexte Selon la Direction de l’administration pénitentiaire (DAP), en 2018, il y avait 511 individus incarcérés en France pour faits liés au terrorisme islamo-djihadiste et 1 100 détenus de droit commun à haut risque de dérive vers la radicalisation violente. Les institutions publiques, et notamment les autorités locales, ont-elles les capacités de répondre à cette nouvelle situation ? Cette question est aujourd'hui une priorité politique.

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La politique française telle que reflétée dans les documents officiels, notamment le Plan d'Action contre la Radicalisation et le Terrorisme (PART 2), reconnaît que les autorités locales ont un rôle important à jouer, notamment en détectant et signalant les « situations de radicalisation » et en contribuant à gérer les individus radicalisés ou en voie de l'être ainsi que leurs familles, notamment par le biais de mesures sociales. Le projet local d'Avignon a donc été élaboré dans ce contexte.

Objectifs L'objectif était d'améliorer les capacités de la municipalité à soutenir la réinsertion et la resocialisation des délinquants condamnés pour faits de terrorisme ou jugés en risque de radicalisation menant à l'extrémisme violent. En particulier, le projet avait pour but de :

 favoriser la coopération entre la municipalité et les services ou organisations locaux et régionaux qui peuvent contribuer à prévenir la radicalisation et l'extrémisme violent ;

 Renforcer les capacités de la municipalité à identifier les délinquants radicalisés ou en risque de l'être ;

 Établir des partenariats de travail pour soutenir les individus en risque, notamment la gestion de cas et la surveillance.

Stratégie et activités La municipalité a invité les institutions partenaires à participer à des sessions de travail en commun et elle a établi des relations proches avec celles-ci. La première phase du projet était centrée sur la nécessité d'améliorer les capacités d'évaluation du risque et prévoyait d'élaborer un ensemble de critères pour évaluer si les détenus sur le point d'être libérés sont en risque de radicalisation, en prenant en compte les spécificités de ce groupe cible dans le département du Vaucluse et la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Un travail préliminaire a été mené sur ce système d'évaluation et plusieurs prestataires de services ont été

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contactés pour le mettre en place. La deuxième phase du projet consistait à former les conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation (CPIP) pour qu'ils puissent suivre les délinquants en travaillant avec un psychologue. Toutefois, il a été finalement décidé que ce projet ne pouvait aboutir dans le cadre de PREPARE en raison de diverses contraintes, mais qu'il pourrait être relancé dans un contexte différent. À la suite de cette décision, le projet a été réorienté vers les jeunes délinquants en risque de radicalisation. Différentes activités ont été discutées et planifiées en coopération avec la PJJ et d'autres services en charge de la protection de la jeunesse et de la réinsertion. Au moment où nous finalisions cette publication, ces activités n'avaient pas encore été réalisées.

Partenariat

 Département de la Tranquillité Publique, Ville d'Avignon  Conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD), Ville d'Avignon

 Fondation Agir Contre l’Exclusion (FACE)  Service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP)  Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ)  Centre éducatif fermé de Montfavet.

Résultats et enseignements Le projet a mis en lumière l'importance de la coopération multi-partenariale pour renforcer la prévention dans le contexte de la probation et de la libération. Les autorités locales peuvent vraiment avoir un impact si elles collaborent avec un large éventail de services concernés aux niveaux local, régional et national. Les échanges avec les partenaires européens sur les programmes de sortie et la coopération pluridisciplinaire entre les institutions publiques et les ONG, dans l'objectif de favoriser la réinsertion des

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délinquants extrémistes, ont été perçus comme particulièrement fructueux.

Prochaines étapes La municipalité va poursuivre la coopération avec les acteurs impliqués dans le projet afin de renforcer le travail avec les jeunes jugés en risque. Par ailleurs, elle cherche de nouvelles ressources (autant financières qu'en personnel) pour poursuivre le travail sur l'évaluation du risque et la gestion de cas.

2.2 Clichy-sous-Bois

>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Informations générales Population : environ 30 000 habitants Pays et région : France, Région Île-de-France Site officiel : https://www.clichy-sous-bois.fr/ Page web du service en charge de la radicalisation : https://www. clichy-sous-bois.fr/mon-quotidien/preventionet-securite/

Résumé Le projet pilote de la municipalité de Clichy-sous-Bois dans le cadre de PREPARE a consisté en l'élaboration et la mise en œuvre d'un programme de formation sur la radicalisation pour les agents municipaux.

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Contexte La municipalité ne connaît aucun résident local ayant rejoint les zones de conflit au Moyen-Orient et n'a pas enregistré de phénomène de radicalisation. Cependant, dans le cadre de sa stratégie générale de prévention de la délinquance, la municipalité a estimé utile que ses agents soient mieux informés sur ce phénomène et comment le prévenir.

Objectifs L'objectif général de la formation était de renforcer les capacités du personnel municipal à intervenir en matière de prévention sociale et pédagogique, de façon soit collective, soit individuelle. Les objectifs spécifiques étaient de leur apporter des connaissances générales sur le contexte de la radicalisation et de la violence extrémiste et des outils concrets pour les prévenir.

Cible Environ 30 agents municipaux : toute l'équipe de direction ainsi que les agents spécialisés dans le travail social, les officiers d'état civil et tout autre agent intéressé.

Stratégie et activités Le programme de formation, d'une durée de trois jours, a été dispensé en octobre 2019. Il a abordé les thèmes suivants : éléments sur l'histoire des extrémismes politiques et religieux ; les mécanismes à l'œuvre dans les processus de radicalisation ; le processus de recrutement ; les stéréotypes sur le radicalisme ; la psychologie des radicaux ; comment détecter un processus de radicalisation, et comment traiter avec les familles et ceux qui reviennent des zones de combat. La formation alliait un enseignement théorique et des exercices pratiques. Elle a été animée par des agents municipaux et des experts externes.

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Résultats et enseignements Les participants ont pu évaluer leur session par le biais d'un questionnaire portant sur l'organisation, le contenu et les intervenants. À l'heure où nous finalisions cette publication, nous n'avions pas encore reçu leur retour. La municipalité escompte que la formation aura donné aux participants des outils pour mieux détecter les signes de radicalisation, des connaissances sur le radicalisme, et des outils pour améliorer la coordination entre les différents services municipaux afin d'améliorer la prévention.

Prochaines étapes La municipalité prévoit de développer des outils pour évaluer et suivre les actions ciblées qui auront été menées à la suite de la formation et de mettre en place un système pour l'échange de pratiques pluridisciplinaires.

2.3 Gouvernement de Catalogne – Département de la Justice

>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Informations générales Population : environ 7 600 000 Pays et région : Espagne, Catalogne, Barcelone Site officiel : https://web.gencat.cat/en/inici/index.html Page web du service en charge de la radicalisation : http://justicia. gencat.cat/ca/ambits/reinsercio_i_serveis_penitenciaris/

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Résumé Le projet PREPARE du gouvernement de Catalogne était centré sur la coopération et les méthodes de travail multi-partenariales. Une structure multi-partenariale a été mise en place pour gérer les cas de deux délinquants incarcérés en Catalogne pour faits liés à la radicalisation menant à l'extrémisme violent et qui étaient sur le point d'être libérés (en conditionnelle ou définitivement). Cette structure, gérée par le Département de la Justice du gouvernement régional (Secrétariat aux Sanctions criminelles, à la Réhabilitation et au Soutien aux victimes), réunissait la police régionale de Catalogne (les Mossos d'Esquadra) et les mairies de Terrassa et de L’Hospitalet de Llobregat. Ces partenaires ont constitué un conseil scientifique et deux conseils locaux qui prenaient des décisions conjointes sur les cas et sur la communication interne entre tous les participants.

Contexte Il a été décidé de mener le projet local à Terrassa et L’Hospitalet de Llobregat pour plusieurs raisons. Dans le cas de Terrassa, des opérations anti-terroristes menées il y a quelques années avaient abouti au démantèlement d'une cellule terroriste locale et un nombre important de condamnations pour faits de terrorisme. Dans le cas de L’Hospitalet de Llobregat, un certain nombre de délinquants incarcérés en Catalogne ont déclaré être résidents de cette municipalité. De plus, L'Hospitalet avait déjà une expérience du travail multi-partenarial au travers des projets de l'Efus LIAISE I & II (Local Institutions Against Extremism). L'objectif du projet local PREPARE était de mettre en place une structure qui puisse être répliquée et transférée à d'autres municipalités.

Objectifs L'objectif principal était de garantir une intervention complète lors du processus de transition de la prison à la communauté locale pour ceux ayant purgé une peine de prison pour faits liés à la radicalisation violente ou ayant montré des signes de radicalisation en prison.

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Les objectifs spécifiques étaient de :

 renforcer le travail pluri-institutionnel pour mettre en place des stratégies de prévention tertiaire adaptées spécifiquement à la radicalisation ;

 élaborer un langage commun quant au phénomène de la radicalisation violente ;

 contribuer à réduire les facteurs de risque au plan individuel et pour la communauté ;

 améliorer les connaissances et les compétences des professionnels impliqués ;

 améliorer la coordination par la formation et des sessions de travail afin de se familiariser avec les points de vue et méthodes de travail propres à chaque agence/institution.

Cible Le profil des détenus en Catalogne qui pouvaient être intégrés au projet était soit :

 des citoyens espagnols ou ressortissants de l'UE purgeant une peine pour terrorisme. Les ressortissants de pays non-membres de l'UE étaient exclus parce qu'ils sont, aux termes de la loi espagnole, reconduits aux frontières à la fin de leur peine.

 Des détenus condamnés pour des délits non liés au terrorisme, mais qui manifestent des signes de radicalisation.

 Des détenus condamnés pour des délits non liés au terrorisme qui sont vulnérables à la radicalisation violente. Il était aussi nécessaire de prendre en considération les familles des détenus et leur communauté, car ce sont des facteurs de prévention et de protection qui jouent un rôle important dans la vie des délinquants.

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Stratégie et activités L'activité a été mise en œuvre à trois niveaux : 1. Les conseils scientifiques et locaux À partir de l'analyse des différents problèmes signalés par les conseils locaux lors de leur travail sur les cas, le conseil scientifique fait une évaluation et donne aux conseils locaux des orientations. Cette évaluation a été menée selon un processus ascendant, avec une coordination fluide et fréquente entre les deux structures selon le cycle méthodologique action-recherche-action.

2. Réunion de lancement Une réunion de lancement a été organisée en mai 2019 afin d'échanger sur les aspects clés du travail multi-partenarial. Tous les membres des conseils scientifiques et locaux ont participé. Les participants étaient divisés en quatre groupes de travail qui ont débattu de quatre thèmes différents : le modèle de travail multi-partenarial, la figure du gestionnaire de cas, la figure du mentor et la gestion confidentielle des données.

3. Transfert de connaissances vers les professionnels Le travail des conseils scientifique et locaux a été enrichi par la formation organisée via PREPARE, qui a été dispensée en juin 2019 par le Violence Prevention Network (VPN) pour un groupe de 15 membres des conseils locaux et scientifiques sur le thème du travail multi-partenarial et des modèles de mentorat. D'autres sessions de formation ont été organisées en septembre 2019 par les Mossos d’Esquadra sur le cadre théorique et conceptuel de la radicalisation violente et des processus de radicalisation, et en octobre 2019 par une Maison de la Sécurité néerlandaise sur leur expérience du travail multi-partenarial.

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Partenariat

 Gouvernement de Catalogne : département de la Justice (Secrétariat aux Sanctions criminelles, à la Réhabilitation et au Soutien aux victimes), services centraux, département de l'Information

 Les Mossos d’Esquadra  Mairie de Terrassa : services sociaux, police municipale, département Citoyenneté-Migration et Interculturalité

 Mairie de L’Hospitalet de Llobregat : service de médiation communautaire, département de la Prévention, de la Cohabitation et de la Citoyenneté, services sociaux, département Égalité, Droits sociaux et Ressources humaines

Résultats et enseignements Le principal résultat a été des relations plus fluides, et une meilleure coordination et communication entre les institutions et les professionnels intervenant en matière de soutien aux anciens délinquants à leur retour dans la communauté. Ils ont adopté un langage et des lignes d'action communs. Tous les professionnels impliqués ont acquis des connaissances sur la radicalisation et l'extrémisme violent, notamment grâce à la formation fournie dans le cadre du projet. Les mairies de Terrassa et de L’Hospitalet de Llobregat souhaitent à présent maintenir cette structure multi-partenariale, mais (à l'heure où nous finalisons cette publication) il reste à déterminer qui en sera responsable.

Prochaines étapes Le gouvernement de Catalogne souhaite élaborer des orientations pour de futures interventions, et continuer à évaluer et tirer les enseignements des deux cas pilotes. Il s'assurera que ces orientations puissent être partagées avec d'autres municipalités qui pourront les adapter. Un autre objectif est de mieux définir le poste et les responsabilités du gestionnaire de cas.

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2.4 Málaga

>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Informations générales Population : environ 570 000 Pays et région : Espagne, Andalousie Site officiel : http://www.malaga.eu/

Résumé Ville cosmopolite qui héberge quelque 150 nationalités différentes, et dont la mairie promeut activement depuis une vingtaine d'années la coexistence et la multiculturalité, Málaga est l'une des plus grandes villes d'Andalousie, au sud de l'Espagne. Elle a été sélectionnée par le gouvernement pour être ville pilote du Plan stratégique national de lutte contre la radicalisation violente (Plan Estratégico Nacional de Lucha Contra la Radicalización Violenta, PEN), publié en 2015. La municipalité a élaboré un plan pour renforcer la cohésion sociale et lutter contre la marginalisation et le radicalisme violent. Málaga a utilisé le projet PREPARE pour renforcer ce plan et améliorer la coordination institutionnelle, en particulier avec les prisons, afin de prévenir la radicalisation au sein de la population carcérale locale. Elle a aussi utilisé le projet pour former le personnel de première ligne à l'accompagnement des détenus radicalisés ou en risque de l'être au moment de la libération de prison et en probation. Un partenariat a été établi avec l’ONG allemande Denkzeit pour offrir aux acteurs locaux un programme de formation sur mesure leur permettant de mieux aider les jeunes délinquants dans leur parcours de réinsertion sociale.

Contexte Málaga a été sélectionnée par le gouvernement pour être ville pilote du Plan stratégique national de lutte contre la radicalisation violente (Plan

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Estratégico Nacional de Lucha Contra la Radicalización Violenta, PEN), publié en 2015. La ville a été jugée comme étant un bon exemple d'inclusion sociale et de coexistence pacifique, notamment parce qu'elle met en œuvre depuis une vingtaine d'années un politique inclusive, et qu'elle est connue pour sa tolérance et les bonnes relations qui existent entre ses différentes communautés. Après un travail d'un an et demi avec le Centre de renseignements contre le terrorisme et le crime organisé (Centro de Inteligencia contra el Terrorismo y el Crimen Organizado, CITCO), un groupe d'experts de l'Université de Málaga et des associations, le Bureau municipal pour la promotion de la coexistence et du pluralisme religieux a élaboré un plan dans l'objectif de sensibiliser et de construire une citoyenneté active et résiliente qui œuvre pour la cohésion sociale, améliore la coexistence, respecte la foi et la liberté religieuse, et évite la marginalisation et le radicalisme violent.

Objectifs Les objectifs généraux de Málaga au travers de PREPARE étaient de mieux comprendre le processus de radicalisation ; de renforcer les capacités des acteurs de première ligne en matière de détection de la radicalisation chez les individus vulnérables ; de renforcer les capacités des professionnels et des agents municipaux pour qu'ils promeuvent la cohésion sociale, et d'améliorer la coordination entre les diverses institutions concernées.

Objectifs spécifiques

 Sensibiliser les professionnels concernés sur l'importance de la radicalisation violente et comment la détecter de façon précoce.

 Acquérir des outils de base pour détecter les individus en risque de radicalisation ou déjà radicalisés ; et pour gérer ces cas.

 Mieux équiper les professionnels de première ligne dans leur travail avec les jeunes ayant commis des délits liés au terrorisme ou en risque de radicalisation.

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Stratégie et activités Des réunions ont été organisées pour instaurer un partenariat et des échanges entre les institutions suivantes impliquées dans le projet PREPARE : mairie de Málaga ; Centre national de recherches sociologiques (Centro de Investigaciones Sociológicas, CIS) ; Groupe pour la cohabitation pacifique et la prévention de la radicalisation violente (Agrupación de Desarrollo por la Convivencia y la Prevención de la Radicalización Violenta) ; Université de Málaga ; ONG Denkzeit. En septembre 2018 et novembre 2019, des formations ont été dispensées aux praticiens comprenant différentes méthodes et des exercices permettant de gérer les jeunes difficiles à joindre, cumulant les problèmes ou radicalisés. Un travail a été mené pour faciliter la réinsertion des anciens prisonniers avec les différents organismes participants (l'équipe du Plan stratégique national contre la radicalisation violente, les membres du Groupe pour la cohabitation pacifique, et les services sociaux locaux).

Partenariat Le projet local PREPARE a été mené conjointement par la mairie de Málaga (départements de Sécurité et des Droits sociaux) et l'ONG Denkzeit, basée à Berlin. Pour les formations locales et afin d'identifier qui, parmi le personnel de première ligne, pourrait y participer, elles ont travaillé avec un certain nombre d'associations et d'entreprises sociales locales, dont l'association Arrabal–Aid et Proyecto Hogar. Par ailleurs, des échanges ont eu lieu avec les organisations impliquées dans le Plan national mentionné ci-dessus, notamment le Groupe pour la promotion de la coexistence et la prévention de la radicalisation violente, le Conseil d'évaluation, qui réunit des experts et du personnel du Forum pour la Paix en Méditerranée, et l'Université de Málaga (UMA).

Résultats Le département municipal des Droits sociaux, de la bonne gouvernance et de la transparence a élaboré un Plan pour la coexistence et la préven-

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tion de la radicalisation violente à la suite d'un intense travail collaboratif pendant un an et demi. Ce plan est innovateur en Espagne et représente la contribution de Málaga au Plan stratégique national contre la radicalisation violente.

Défis et enseignements Les principales difficultés rencontrées par l'équipe de la mairie de Málaga pendant le projet ont été : le manque de personnel pour mener les tâches quotidiennes et le travail supplémentaire lié au projet ; le suivi administratif et la barrière des langues. Mais ces difficultés ont été surmontées grâce à la coopération étroite avec les partenaires européens du projet, ainsi que le soutien et le leadership des élus locaux.

Prochaines étapes Sa participation au projet PREPARE a renforcé la capacité de la ville de Málaga à élaborer un protocole pour suivre et gérer les cas individuels, et favoriser leur insertion sociale. De plus, Málaga continuera à avoir un rôle actif dans le Plan stratégique national pour la prévention de la radicalisation violente, notamment en matière de coordination, réseautage, formation et sensibilisation.

2.5 Rotterdam

>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Informations générales Population : environ 623 000 Pays et région : Pays-Bas, province de Hollande du Sud Site officiel : http://www.rotterdam.nl Page web du service en charge de la radicalisation : http://www. rotterdam.nl/radicalisering

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Résumé Notre projet a consisté en une session de formation interactive sur le travail de sortie : quel type de formation est adapté au travail avec les délinquants extrémistes violents ? L'objectif était de mieux connaître le programme de formation en Suède, afin d'utiliser les éléments utiles pour notre approche. Des collègues du « Point de contact et de conseil sur la radicalisation » (MAR selon le sigle en néerlandais) et du « Pool municipal d'experts sur la radicalisation » (GER selon le sigle en néerlandais) ont été invités à la formation. Nous avons aussi discuté d'un cas à Rotterdam et reçu des conseils à ce propos.

Contexte L'approche de Rotterdam en matière de radicalisation, d'extrémisme et de polarisation consiste en quatre lignes d'action : 1. dé-polarisation et réduction des tensions 2. r enforcement de la résilience contre la radicalisation, l'extrémisme et la polarisation 3. promotion de l'expertise 4. désengagement et déradicalisation Selon la gravité et la phase du processus de radicalisation, une approche orientée sur la personne est initiée soit par la municipalité seule, soit en consultation avec les partenaires pertinents de la « Maison de la sécurité Rijnmond » de Rotterdam (Rijnmond Safety House). Une partie de notre approche au cas par cas est un plan d'action créé par le MAR pour prévenir une radicalisation plus avancée ou pour désamorcer les comportements radicaux et préparer des interventions. La mise en œuvre, qui se fait au cas par cas, est liée à l'évaluation des points de préoccupation et des risques. Le MAR peut aussi intervenir dans le cas des individus en détention en vue de freiner un comportement radical. Nous travaillons en coopération étroite avec les professionnels de la prison de De Schie et les

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services nationaux de probation sont impliqués dans ces cas. Notre responsabilité est d'intervenir auprès des individus, autant pendant leur détention qu'après leur libération. Le MAR apporte aussi un soutien aux familles des délinquants, parfois pour empêcher la radicalisation de membres proches de la famille, d'autres fois pour soutenir et guider les membres de la famille (le MAR peut aussi proposer un coaching au professionnel intervenant avec la famille).

Objectifs 1. Recueillir les enseignements des programmes de sortie existants pour d'autres formes d'extrémisme et de sectarisme, notamment pour le passage entre la probation et la mise en liberté. 2. A pprendre des méthodes utilisées dans les programmes de sortie et les interventions dans d'autres pays, notamment les techniques de conversation, la création d'un point d'entrée pour le contact, etc. Nous souhaitions recueillir des informations sur les pratiques des autres pays.

Stratégie et activités 1. Une demi-journée de formation/atelier sur la formation et les méthodes pour les professionnels intervenant dans des programmes de sortie à Rotterdam (15 personnes au total). Quel type de formation les professionnels d'Exit Suède ont-ils reçu ? Leur formation est-elle plutôt consacrée à la compréhension de l'idéologie et l'élaboration de contre-discours individuels, ou bien est-elle centrée sur les différents types de techniques de conversation (entretien de motivation, intervention sur l'histoire de vie, conversation socratique) ? Comment les professionnels d'Exit Suède appliquent-ils les enseignements de la formation dans leur travail quotidien ? Quelles méthodes, approches et pratiques mettent-ils en œuvre dans leur travail avec les individus concernés ?

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2. Une demi-journée : partage d'expérience autour de cas d'étude (15 personnes au total) Nous souhaitions discuter d'un cas à Rotterdam et d'un autre d'Exit Suède : le contexte du cas, comment un point d'entrée a été établi, quelles techniques de conversation ont été utilisées, quels types d'intervention et quelles étaient les difficultés lors du processus de désengagement de l'individu. Le but était de réfléchir ensemble aux enseignements à en tirer et à ce qu'il convient de faire et d'éviter dans ce type de cas.

Partenariat Les collègues du « Point de contact et de conseil sur la radicalisation » (MAR) et du « Pool municipal d'experts sur la radicalisation » (GER) ont été invités à participer à la formation. Le GER peut être déployé par le MAR en cas d'extrémisme violent ou de (possible) radicalisation. L'équipe comprend huit professionnels qui ont tous un parcours différent (travailleur social, etc.) : cette diversité fait qu'il y a toujours quelqu'un dont l'expérience correspond au cas en cours. Dans le cadre du projet PREPARE, nous avons coopéré avec Fryshuset– Exit Suède (Robert Örell). Ils ont expliqué leur approche et donné une formation en techniques de formation telles que l'entretien motivationnel, la construction d'une relation et les principes de l'influence.

Résultats et enseignements Nous avons tiré des enseignements sur l'approche et le contenu du programme de formation Exit en Suède, notamment des connaissances sur la radicalisation :

 Connaissances sur les environnements : - la dynamique de groupe (que signifie faire partie d'un groupe spécifique ?) - comment ces environnements influent-ils sur les personnes ? - les différents modus operandi, mais aussi les similarités

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 Certains éléments et connaissances de base dans une formation : - pédagogie sociale - thérapie cognitivo-comportementale (Cognitive behavioural therapy, CBT) - syndrome de stress post-traumatique (Post-traumatic stress disorder, PTSD)

 Différents outils : - la criminalité comme comportemental)

mode

de

vie

(programme

cognitivo-

- entretien de motivation - influence

 Accent sur les aspects relationnels de ce travail (comment travailler avec ces individus et favoriser le changement ?) et moins sur les connaissances factuelles du mouvement extrémiste : quelles sont les qualités requises pour travailler avec ce groupe et l'amener à changer de comportement ? - authenticité - être capable d'adapter la stratégie à des personnes et des situations différentes - être conscient de ses propres forces et faiblesses - créer un environnement où l'on n'est pas jugé et avoir de la curiosité envers la personne que l'on a en face de soi. Nous avons aussi établi des liens proches avec Robert Örell, un directeur d'Exit Suède, et nous le contacterons à l'avenir si nous avons des questions.

Prochaines étapes Nous utilisons les connaissances acquises pendant la formation pour affiner notre programme de formation pour le MAR et le GER.

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2.6 Sarcelles

>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Informations générales Population : environ 57 000 Pays et région : France, Ile-de-France Site web officiel : http://www.sarcelles.fr/

Résumé Dans le cadre du projet PREPARE, la municipalité de Sarcelles a organisé pour un groupe de jeunes condamnés pour des délits mineurs un « stage de citoyenneté » d’une semaine qui a eu lieu du 1er au 5 avril 2019. Ce type de stage est prévu par la loi du 9 mars 2004 est destiné aux jeunes condamnés à des travaux d’intérêt général (TIG) et suivis par le Service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP) et/ ou la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Ce projet concernait une quinzaine de jeunes âgés de 16 à 25 ans ayant au minimum 35 heures de TIG à effectuer. L’objectif du stage de citoyenneté était de les resocialiser en abordant des thèmes aussi variés que les droits et les devoirs incombant aux citoyens, l’importance de la culture dans la vie quotidienne et la solidarité, qui peut notamment s’exprimer par le bénévolat.

Contexte Ce projet s’est mis en place de manière assez fluide du fait de la proximité existant déjà entre les partenaires : la Mission locale pour l'insertion sociale et professionnelle des jeunes, l’Espace Emploi et diverses associations locales. Ils ont conçu ensemble le programme du stage.

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Objectifs Le stage de citoyenneté avait pour objectif général de donner aux jeunes un enseignement qui leur permette de prendre pleinement leur place dans la société en tant que citoyens. Le stage comprend ainsi des aspects personnels, tels que la confiance en soi, et des aspects éducatifs, tels que l’apprentissage des fondamentaux de la loi et des droits et devoirs des citoyens. Les objectifs particuliers étaient de :

 enseigner aux jeunes les fondamentaux de leur environnement civique et législatif ;

 leur faire découvrir des pratiques artistiques ;  renforcer leur confiance en eux et leur capacité à entreprendre.

Stratégie et activités La Mission Locale a proposé une animation sur les droits et les accompagnements socio-professionnels, et sur les droits et les devoirs des jeunes. Le commissariat de police, représenté par la Déléguée à la cohésion police-population, a travaillé sur le casier judiciaire et les conséquences des mentions y figurant (sur l'employabilité, la possibilité de trouver un logement, etc.). Une association locale (Jeune et Engagé) a présenté sous forme théâtralisée des situations réelles où des jeunes sont aux prises avec la Justice. L'Espace Emploi a aidé les jeunes à identifier leurs compétences et leurs capacités. L'association Action Résilience a présenté le parcours de son fondateur, le journaliste français Nicolas Hénin qui a été otage en Syrie de juin 2013 à avril 2014. Deux associations locales (IMAJ et Maison des Solidarités) ont proposé une séance d’information sur les réseaux de solidarité assortie d'une visite dans une boutique solidaire locale où l'on peut acheter et échanger des produits de seconde main.

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Partenariat Les partenaires du projet étaient :

 la Mission locale pour l’insertion sociale et professionnelle des jeunes

 le commissariat de police local  l'association Jeune et Engagé  l'Espace et la Maison des Solidarités  les associations Accueil et Culture, Action Résilience et IMAJ  la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ)  le Service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP)

Résultats et enseignements Cette formation était un projet multi-partenarial innovant qui a permis aux professionnels de différents secteurs de travailler ensemble et, de façon plus importante, de toucher des jeunes qui ne fréquentent pas habituellement les structures locales de soutien. Cependant, seuls six des 15 jeunes visés par l'action ont participé à la semaine de stage, en partie par manque d'information. Pour les jeunes, le stage leur a permis de rencontrer des professionnels de divers horizons qu'ils pourront contacter plus tard dans leur parcours d’insertion professionnelle. Ces rencontres leur ont également permis de revoir leur jugement sur certaines professions telles que la police et le journalisme. À l'avenir, le contenu de la formation sera élaboré de façon collaborative et il y aura un coordonnateur unique pour garantir le bon déroulé du stage. Les partenaires envisagent aussi de proposer un stage en résidence, pour une plus courte période de temps, afin de garantir que tout le monde participe à toutes les sessions.

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Prochaines étapes Les partenaires souhaitent renouveler le stage car ils ont clairement identifié un besoin chez les jeunes petits délinquants. Ils veulent aussi proposer que ce stage de citoyenneté soit considéré comme un travail d'intérêt général par les juges pour les 18-22 ans.

2.7 Sollentuna

>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Informations générales Population : 500 000 Pays et région : Suède, Stockholm nord Sites web officiel : https://www.Kriminalvården.se/swedish-prison-and-probationservice/ https://www.fryshuset.se/verksamhet/exit

Résumé Le service des prisons et de probation de Sollentuna a co-organisé avec l'organisation non gouvernementale Fryshuset – Exit Suède un atelier pour leurs équipes respectives. Celui-ci a rassemblé plus de 20 officiers de probation et des prisons de différentes régions de Suède, deux représentants d'Exit Suède, un expert international belge et l'équipe de l'Efus. L'objectif était de présenter les deux organisations et de se rencontrer en personne pour discuter de la coopération mutuelle. Le programme de l'atelier comprenait des présentations, des débats et un travail de fond sur des cas réels.

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Contexte Le service de probation de Sollentuna gère en permanence quelque 450 clients, dont entre 5 et 10 proviennent de la mouvance extrémiste violente. À ces cas, il faut ajouter les enquêtes qui ont lieu avant la condamnation et les clients qui sont en train de purger leur peine. Leur nombre varie en fonction des jugements rendus par les tribunaux. Exit Suède a proposé un partenariat au service de probation de Sollentuna dans le cadre du projet afin de renforcer la coopération mutuelle. L'atelier a permis aux équipes de se rencontrer, et de mieux comprendre leur travail et organisations mutuels.

Objectifs Le principal objectif de l'atelier était de mieux se connaître, de renforcer la coopération et d'établir une plateforme pour la coopération et la connaissance mutuelle de nos missions, fonctions et ressources respectives.

Stratégie et activités Dans le cadre de PREPARE, le projet était d'organiser un atelier conjoint entre le service de probation de Sollentuna et Exit Fryshuset. PREPARE nous a permis de faire venir un expert externe ainsi que l'équipe Efus. L'atelier nous a permis d'échanger sur notre travail, notre expérience et nos besoins en matière de réinsertion sociale des extrémistes violents. Nous avons aussi discuté de comment travailler de façon complémentaire et de notre coopération future.

Partenariat Les principaux partenaires du projet étaient Fryshuset Exit Suède et le service de probation de Sollentuna, c'est-à-dire la branche régionale du service suédois des prisons et de la probation pour le nord de Stockholm. Les principaux collaborateurs étaient le projet Entré, un programme cognitivo-comportemental individuel développé par le

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service des prisons et de la probation et destiné à l'origine à aider les clients à quitter les groupes ou environnements criminels organisés. De plus, Jonathan Péromet, de l'Administration générale des Maisons de Justice (le service de probation de Belgique) a contribué à l'atelier.

Résultats Le projet nous a permis à tous de mieux connaître nos organisations mutuelles et nos méthodes et approches, et les domaines dans lesquels nous pouvons et devons coopérer davantage. Nous avons recueilli des enseignements sur les pratiques suédoises et internationales concernant l'avant et l'après-libération de prison, et l'amélioration de la coopération sur les cas de délinquants impliqués, qui se désengagent des groupes extrémistes violents. L'atelier nous a aussi apporté des connaissances sur l'approche belge concernant les délinquants appartenant à des groupes extrémistes violents, notamment les méthodes d'intervention et les visites à domicile, ce qui ne se fait pas en Suède.

Enjeux et enseignements retenus La principale difficulté était, comme toujours, la nature du projet qui était de courte durée. Toutefois, le projet nous a donné une occasion précieuse de travailler ensemble et d'échanger en vue de coopérer davantage à l'avenir. Sans ce projet, nous n'aurions pas eu cette opportunité. Le principal enseignement est précisément la nécessité de collaborer étroitement sur les cas individuels et de façon plus large d'échanger et de partager les pratiques prometteuses, de continuer à apprendre et de toujours prendre en compte les nouvelles perspectives et les expériences, autant à l'échelle nationale qu'internationale.

Prochaines étapes Nous allons poursuivre notre coopération et approfondir les relations

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entre le programme Entré du service de probation suédois et Exit Fryshuset, et disséminer notre travail et les enseignements que nous en avons tirés au travers de la publication finale du projet PREPARE.

2.8 La Haye

>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Informations générales Population : 537 988 Pays et ville : Pays-Bas, La Haye Site web officiel : https://www.denhaag.nl/en.htm Site web ou page du service en charge de la radicalisation : https://www.denhaag.nl/nl/in-de-stad/veiligheid/tegengaan-vanradicalisering-en-polarisatie.htm

Résumé La municipalité de La Haye a organisé une réunion en mai 2019 avec ses partenaires extérieurs concernés pour examiner l'éventuelle adaptation aux combattants islamistes néerlandais d'un projet concernant les combattants unionistes d'Irlande du Nord.41 Le projet nord-irlandais était fondé sur le principe de la justice restaurative, afin de promouvoir la non-violence et de favoriser la réintégration des ex-combattants dans leur communauté. La principale similarité entre les deux groupes est que leur violence est d'inspiration idéologique. Le projet paraissait particulièrement intéressant parce qu'il cherchait des solutions autres que des mesures punitives et sécuritaires.

41. Les Irlandais du Nord en grande majorité protestants qui ont combattu pour continuer à faire partie du Royaume-Uni

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Contexte L'approche néerlandaise de la radicalisation et de l'extrémisme est réputée internationalement pour être pluridisciplinaire et inclusive. Né d'un projet pilote mené à La Haye, le système des Maisons de la Sécurité (Safety Houses), où les différentes institutions et associations locales impliquées dans la prévention de la criminalité examinent et discutent les cas individuels afin de prévenir la récidive ou la radicalisation, est aujourd'hui appliqué à tout le pays. Un modèle d'accord utilisé par les différentes Maisons de la Sécurité fournit le cadre légal de ce système. L'originalité de cette approche est qu'elle marie les mesures pénales et sécuritaires avec des mesures sociales et d'accompagnement individuel. S'il existe de bonnes relations de travail avec le service de probation et l'agence en charge des établissements carcéraux, il y a clairement une séparation entre les deux domaines : détention et probation d'une part, mise en liberté et réinsertion de l'autre.

Objectifs L'objectif du projet pilote était d'étudier comment répliquer un projet existant pour un public plus ou moins similaire. Il était attendu que le projet permette d'aller au-delà des simples mesures répressives et sécuritaires, et comporte des outils de réintégration et de resocialisation. Dans l'idéal, il permettrait aux détenus radicaux de réfléchir à leur passé et leur rôle futur dans la société. Dans la mesure où, à leur sortie de prison, ils peuvent se heurter à des réponses négatives et à la marginalisation, il est aussi nécessaire de renforcer leur résilience. À terme, le projet leur donnerait des outils pour gérer de façon non violente leurs frustrations et leur besoin d'activisme.

Stratégie et activités Une réunion a été organisée en mai 2019 pour évaluer si les partenaires de La Haye seraient intéressés à participer à un projet destiné aux délinquants condamnés pour radicalisme violent et centré sur leur réintégration et resocialisation qui irait au-delà des mesures punitives

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et de l'usage exclusif du droit pénal. Le premier objectif était d'obtenir le soutien de tous les partenaires concernés pour un projet pilote destiné aux délinquants condamnés pour radicalisme violent qui serait inspiré de la formation en justice restaurative qui est proposée aux détenus extrémistes d'Irlande du Nord. Le deuxième objectif de la réunion était de définir les rôles et responsabilités des participants dans la mise en œuvre de ce projet. Certains des partenaires avaient été contactés avant la réunion pour évaluer leur intérêt et leur volonté de s'engager activement dans le projet.

Partenariat Les partenaires qui ont été invités à la réunion préparatoire au projet étaient : le quartier « terroristes » de la prison de Vught, le Service de Probation des Pays-Bas, le Coordonnateur national terrorisme et sécurité (NCTV selon le sigle en néerlandais), le ministère public, Justice Restaurative Pays-Bas, et l'Université de Leiden. D'autres partenaires ont également été associés : représentants de la police des quatre plus grandes villes des Pays-Bas, ministère de la Justice et de la Sécurité, ministère de l'Intérieur et Confédération européenne de la probation.

Résultats Les participants à la réunion sont devenus plus conscients de la nécessité de promouvoir des initiatives allant au-delà du cadre strict des mesures sécuritaires et pénales et ont manifesté un fort intérêt à développer le projet pilote. Nous avions déjà évalué leur intérêt avant la réunion, mais nous avons été surpris par l'enthousiasme exprimé par les participants et même par ceux qui avaient été conviés à la réunion, mais n'ont pu y assister.

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Enjeux et enseignements retenus Au début, le projet était très différent, et il a fallu quelque temps pour le définir précisément et décider qu'il s'agissait d'adapter pour les détenus pour radicalisme violent aux Pays-Bas un projet mené auprès des délinquants de la mouvance unioniste d'Irlande du Nord. Une autre difficulté était d'associer tous les partenaires pertinents et d'assurer leur participation au projet dans les temps afin que celui-ci puisse être réellement mis en place. Cependant, la principale difficulté a concerné l'appropriation du projet et les responsabilités. La municipalité de La Haye était en charge d'organiser la réunion, son concept et ses intervenants et participants, mais il a été décidé de ne pas mettre l'accent sur la dimension locale parce que la question des détenus radicaux a une portée nationale.

Prochaines étapes Dans les mois qui ont suivi la mise en œuvre, un suivi a été mené par un groupe de travail rassemblant certains des partenaires : le quartier « terroristes » de la prison de Vught, le Service de Probation des PaysBas, le Coordonnateur national terrorisme et sécurité, le ministère public, Justice Restaurative Pays-Bas, et l'Université de Leiden. Ensemble, ces partenaires formeront un petit comité qui définira en détail la mission qui sera conduite par l'Université de Leiden, en collaboration avec Justice Restaurative Pays-Bas, et consistera à mettre au point un projet pilote destiné à certains détenus du quartier « terroristes » de la prison de Vught.

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2.9 Vilvorde

>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Informations générales Population : 44 800 Pays et région : Belgique, ville de Vilvorde (située près de Bruxelles) Site web officiel : https://www.vilvoorde.be/ Site web ou page du service de prévention : https://www.vilvoorde. be/dienst-deradicalisering

Résumé Depuis 2014, Vilvorde s'est fortement investie dans une approche de déradicalisation en raison du nombre de jeunes ayant quitté la ville pour se battre en Syrie. Dans le cadre du projet PREPARE, nous avons eu l'opportunité d'examiner notre méthode de travail et d'évaluer comment renforcer notre expertise en matière de travail avec les groupes cibles dans le contexte de la probation et de la sortie de prison. Nous avons établi un partenariat avec Fryshuset Sweden afin d'explorer de nouvelles méthodes et d'adopter une approche plus efficace et productive.

Contexte Nous avons commencé à concevoir ce projet alors que nous avions sept returnees (ceux qui retournent des zones de combat) en prison. Nous avons donc décidé, au sein de notre service, d'être plus présents dans les trajectoires préliminaires de préparation à la libération, c'est-à-dire quand les individus sont encore incarcérés. Cependant, la question demeurait : quel serait le contenu concret de cet accompagnement ? Par ailleurs, nous avons aussi réalisé que nous ne savions pas grandchose sur ces individus, hormis qu'ils avaient été en Syrie. Aucune

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information ne nous avait été donnée sur leur situation (idéologie, comportement, santé) pendant leur détention. Nous avons donc contacté toutes les prisons afin d'initier une coopération sur les prisonniers originaires de Vilvoorde qui étaient éligibles pour une libération. Notre approche demeure à ce jour très ad hoc, dans la mesure où il n'existe pas de mesures structurelles et supralocales concernant ce type de démarche à l'échelle des autorités locales.

Objectifs Notre objectif principal était d'explorer les différentes stratégies pour renforcer notre réseau pluridisciplinaire afin de travailler avec les individus en probation ou libérés. À partir de ce moment-là, nous avons choisi de mettre l'accent sur le travail autour de la sortie du radicalisme, suivant l'exemple d'Exit Suède. A un premier stade, nous voulions offrir à l'un de nos returnees l'opportunité d'explorer le processus personnel qu'il devait traverser avant de pouvoir s'engager en tant que former (ce mot anglais désigne un individu qui a renoncé au radicalisme et à la violence). Notre deuxième stratégie consistait à examiner les différentes méthodes de travail avec les individus dans le contexte de la libération et de la probation. Nous avons cherché une formation pertinente qui nous permettrait d'obtenir de nouveaux éléments de compréhension dans le cadre de notre approche.

Stratégie et activités Nous avons tout d'abord organisé une session de travail avec Exit Suède, l'un de nos quatre returnees devenu depuis un former (donc qui a abandonné le radicalisme), un agent de la police locale et notre chef de service. La recherche scientifique a montré que faire participer des formers à un programme destiné aux délinquants radicalisés peut avoir des effets positifs pour les uns et les autres. En même temps, une visite d'étude auprès de l'organisation suédoise a permis à l'agent de police et notre chef de service de recueillir des informations utiles sur comment nous positionner face à cet individu.

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Nous avons ensuite mis en place une formation pour notre réseau étendu de partenaires (social, santé, répression) afin de dégager une méthodologie commune pour évaluer les besoins des différents cas et surmonter les questions difficiles pendant les processus de décision.

Partenariat Nous avons établi un partenariat avec Fryshuset et, plus particulièrement, Exit Suède. Les deux organisations ont été une source d'inspiration et ont partagé leurs bonnes pratiques de travail avec des formers et des extrémistes violents. Il a aussi été très utile d'intégrer dans notre approche leurs connaissances sur comment établir des relations de confiance pendant une intervention (théorie des techniques d'entretien de motivation). En ce qui concerne la formation de notre réseau de partenaires, nous avons collaboré avec un philosophe qui travaille pour l'organisation internationale Governance and Integrity. Son expertise concerne l'évaluation des dilemmes moraux et comment juger la moralité d'une décision.

Résultats et enseignements La session de travail à Stockholm avec le returnee a apporté des perspectives intéressantes sur certains aspects essentiels de la mise en œuvre de programmes destinés aux individus libérés de prison ou en probation. Elle a été particulièrement utile pour synthétiser les expériences du returnee, de l'agent de police locale et du coordonnateur local afin de formuler des recommandations plus générales pour les praticiens. En ce qui concerne notre réseau élargi, la formation sur les dilemmes moraux s'est avérée précieuse pour la prise de décision lorsqu'on travaille avec des partenaires de différents secteurs (sécurité, santé, bien-être) qui ont des intérêts et des objectifs différents. Nous ambitionnons d'utiliser cette méthode au sein de notre plateforme interdisciplinaire pour les cas difficiles qui ne font pas consensus. Au moins, nous avons maintenant un principe directeur dans ce type de situation alors qu'auparavant, nous n'arrivions pas toujours à prendre une décision soutenue par l'ensemble du groupe.

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Lorsque nous élaborions notre activité, nous avions un objectif très ambitieux qui était de développer une stratégie de sortie à Vilvorde soutenue par tous les acteurs concernés. En fait, ce n'était pas faisable, étant donné les limitations du projet et, de plus, nous avons reconnu qu'il existait d'autres priorités à surmonter à l'échelle locale avant de pouvoir développer une stratégie intégrale. Nous avons donc limité notre ambition et nous sommes concentrés sur des actions qui pourraient bénéficier directement à notre groupe cible (donc les returnees) et nos partenaires des domaines de l'action sociale et de la sécurité. Les formations que nous avons proposées à nos partenaires ne donnent pas une réponse solide qui vaille dans toutes les situations et il est toujours difficile de prendre les bonnes décisions. Mais si l’on travaille dans un cadre clair, les chances de succès sont bien meilleures.

Prochaines étapes Dans la prochaine phase, nous continuerons à surveiller de près les prisonniers et les individus en probation ou sur le point d'être libérés. Il est aussi recommandé, avec ce groupe cible, d'investir fortement dans les mesures structurelles et nous avons pour ce faire besoin du soutien des niveaux de gouvernance supra-locaux. D'ici là, nous maintenons nos structures actuelles.

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Partie 3 Soutenir les autorités locales pour prévenir la radicalisation violente dans le cadre de la libération de prison et de la probation Réflexions politiques et recommandations >>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> 100


Dans ce chapitre, nous proposons des recommandations pour les autorités locales et régionales sur la prévention de la radicalisation à la sortie de prison et en probation, afin de favoriser la réintégration des délinquants extrémistes dans leur communauté locale. Les autorités locales sont dans une position privilégiée lorsqu'il s'agit de contribuer et de piloter de tels efforts : non seulement elles constituent le niveau de gouvernance le plus proche des citoyens, puisqu'elles ont l'impact le plus direct sur la vie des gens et des informations de première main sur la vie locale, mais elles ont aussi une expertise et une expérience approfondies en matière de politiques efficaces de prévention de la violence et de la délinquance à l'échelle locale. De plus, la plupart des autorités locales s'appuient sur un réseau dense de partenaires extérieurs tels les organisations de la société civile, les chercheurs et les initiatives privées. Elles peuvent ainsi mobiliser les ressources nécessaires à la mise en œuvre de stratégies et de mesures qui ont un réel impact. À partir de l'expérience recueillie au travers du projet PREPARE et sur la base d'un corpus nourri de travaux menés lors de précédents projets européens sur la prévention de la radicalisation, de l'extrémisme violent, de la récidive et pour la réintégration, l'Efus propose dans ce chapitre des recommandations aux autorités locales et régionales. Nous souhaitons apporter des conseils concrets, des suggestions et des réflexions afin de soutenir les efforts des municipalités dans ce domaine. Ces recommandations ne doivent pas être considérées comme exhaustives et elles ne répondent pas à tous les cas. Elles ne constituent pas non plus une recette passe-partout qui puisse être adaptée partout en Europe. Les défis que posent les délinquants extrémistes, les risques de radicalisation en prison, et les besoins concrets et opportunités en matière de réintégration d'individus radicalisés varient beaucoup d'un pays européen à l'autre. Il en va de même pour les systèmes judiciaires aux niveaux national et régional. Comme pour toute politique ou stratégique publique et sociale, il n'existe pas de modèle unique qui vaille pour tout. Ainsi, l'Efus encourage tous les acteurs concernés à examiner soigneusement ces

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recommandations et à en débattre en fonction de leurs propres besoins locaux, circonstances, ressources disponibles et cadre légal et administratif, et à les modifier et les adapter en fonction.

3.1 La nécessité d'adopter une approche multi-extrémisme et d'apprendre des domaines adjacents

>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> L'extrémisme violent peut prendre toute sorte de formes, notamment les extrémismes politiques de droite ou de gauche et différentes formes d'extrémisme religieux. Si les idéologies sous-jacentes varient, les extrémistes violents se ressemblent en ce qu'ils déploient des moyens et des méthodes qui ignorent la vie, les droits et les libertés fondamentaux des autres.42 Toutes les formes d'extrémisme violent ne sont pas présentes dans tous les territoires et les autorités locales conduisent pour la plupart une analyse détaillée des risques, menaces et ressources à partir de laquelle elles élaborent leur stratégie locale de prévention. Si l'Efus se félicite de ce travail d'élaboration de stratégies adaptées et sur mesure, il existe cependant un risque d'attribuer trop d'importance ou de cibler de façon disproportionnée certaines formes d'extrémisme violent. Ceci peut s'accompagner d'une terminologie limitée aux groupes religieux ou politiques, ce qui peut entraîner la stigmatisation de ces groupes sociaux ou l'application à leur encontre de mesures de sécurité spéciales. Une telle stigmatisation doit être évitée car elle peut générer davantage de polarisation et de cas de radicalisation. De plus, désigner ainsi certains groupes sociaux peut amener les acteurs à ignorer les domaines adjacents, même s'ils ont déjà exploré des mesures, méthodes et stratégies de prévention efficaces.

42. Pour une réflexion plus large sur ce thème, voir Efus, Prévention de la radicalisation violente - Guide méthodologique pour l’élaboration d’une stratégie, Paris 2017

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C'est pourquoi l'Efus encourage les autorités locales et régionales à :

 Adopter une approche multi-extrémismes qui couvre toutes les formes d'extrémisme violent et de violence politique si cela est nécessaire pour répondre à vos besoins locaux. Évitez de vous concentrer ou d'avoir une vue biaisée sur un seul type d'extrémisme, par exemple le djihadisme ou le salafisme, si cela ne correspond pas à votre situation locale.

 Éviter l'utilisation de termes discriminatoires ou qui « labellisent » pour désigner l'extrémisme local ou régional, car ils peuvent mener à la stigmatisation de groupes religieux, politiques et sociaux et causer davantage de polarisation et de radicalisation.

 Être conscients que les différentes formes d'extrémisme interagissent et ont tendance à se renforcer et s'amplifier mutuellement, ce qui crée un cercle vicieux de sentiment anti-démocratique et de violence. Afin de rompre cette dynamique, les stratégies dynamiques de prévention doivent viser toutes les formes d'extrémisme violent.

 Apprendre des domaines adjacents et utiliser le travail déjà mené par d'autres praticiens et organisations locales en termes d'approches et de méthodologies socio-thérapeutiques et de leur adaptation aux besoins locaux. Par exemple, il existe dans de nombreux pays européens des programmes de sortie et de déradicalisation qui visent les membres de gangs d'extrême-droite et de groupes terroristes. Mieux vaut s'appuyer sur ces expériences que de réinventer la roue.

3.2 Élaborer une stratégie multipartenariale locale pour gérer les Délinquants Extrémistes Violents (DEV)

>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> La prévention et la réinsertion demandent une approche holistique et rend nécessaire une coopération entre de multiples partenaires pour

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permettre de tels processus pendant la peine de prison, durant la probation et à la libération. Afin de répondre aux besoins et défis qui se présentent pendant ces processus, il est nécessaire d'avoir une coopération et une coordination efficaces entre des acteurs opérant dans des champs professionnels variés. Il s'agit notamment des acteurs de la Justice et des services de probation, des services de santé, des organisations de jeunesse, des communautés confessionnelles locales, des associations et du secteur privé. Les autorités locales et régionales sont bien placées pour diriger les stratégies locales de prévention et de réinsertion, y compris pendant la probation et à la libération, car elles ont des connaissances solides sur les besoins locaux, les cas spécifiques qu'elles doivent gérer et les ressources disponibles. Lorsqu'une telle stratégie locale n'est pas en place et qu'on n'a pas établi de coopération avec les acteurs concernés, on perd des opportunités importantes et on risque de gâcher des ressources précieuses ainsi que les efforts déjà menés. Afin d'éviter ce type de manquement, nous encourageons les autorités locales et régionales à :

 Soutenir et diriger la création de partenariats locaux avec divers organismes et institutions en prenant en compte votre groupe cible actuel et futur (les DEV), et ses besoins en fonction des politiques plus larges de prévention de la violence et de la délinquance à l'échelle locale ou régionale, et en encourageant les partenariats pour la sécurité réunissant les différents acteurs.

 Commencer à travailler en « temps de paix », avant les périodes de forte demande, afin d'être prêts pour les situations exigeantes, comme par exemple la libération d'un DEV ou d'un groupe de DEV à la fin de leur peine.

 Définir vos objectifs et votre stratégie et identifier les acteurs que vous devrez associer à votre démarche sur la base des besoins et de l'expertise des DEV (besoins individuels et évaluation des risques), et sur le soutien que ces organismes et d'autres organisations publiques ou privées peuvent vous apporter (ONG locales, entreprises locales, etc.).

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 Tenir compte des contraintes légales et de vos compétences légales lorsque vous définissez la stratégie multi-partenariale, et aussi au cas par cas.

 Sensibiliser les acteurs impliqués dans la démarche et vos équipes sur les bénéfices de la collaboration et du travail multi-partenarial et pluridisciplinaire.

 Établir des protocoles d'accord entre les institutions, ONG et autres acteurs pertinents. Précisez sur quels aspects vous souhaitez un accord, par exemple sur le rôle et les tâches des différents services impliqués. De même, établissez des règles ou des procédures sur le partage de l'information et clarifiez les procédures pour la gestion ou le renvoi des cas.

 Faire participer tous les acteurs impliqués à des groupes de parole où leurs besoins, préoccupations et ressources peuvent être inventoriés afin de définir une stratégie commune et inclusive.

 Envisager d'adopter d'autres modèles proches de la justice restaurative. Appuyez-vous sur vos forces et la cohésion sociale de votre collectivité pour prévenir l'exclusion, les conflits ou les conflits potentiels entre groupes qui peuvent déboucher sur de la radicalisation ou de la violence, tels que le modèle de « Restorative City »43 (la ville restaurative).

3.3 Assurer la continuité entre la prison, la probation et la libération

>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Les prisons peuvent être des terreaux fertiles pour la radicalisation, mais elles offrent aussi l'opportunité de commencer à travailler sur les processus de désengagement et de déradicalisation. La réhabilitation et la réinsertion doivent commencer en prison, mais il faut assurer la 43. Sur ce concept, voir par exemple An Invitation to RJ City(SM) de Daniel Van Ness – qui a fait l'objet d'une présentation en session plénière à la conférence «The Next Step: Developing Restorative Communities, Part 2 », 8e conférence internationale de l'IIRP, « Conferencing, Circles and other Restorative Practices », 18-20 octobre 2006 http://www.iirp.edu/pdf/beth06_ vanness.pdf.

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continuité pendant la probation et au moment de la libération, ce qui demande que les organismes et acteurs impliqués dans le processus demeurent stables. Malheureusement, les autorités locales et régionales – même quand elles pilotent les plateformes locales destinées à renforcer la collaboration et la coopération entre les différents acteurs – ont parfois du mal à assurer une telle continuité en raison de contraintes légales, structurelles et bureaucratiques, mais aussi des cultures institutionnelles qui sont parfois inflexibles. Afin d'assurer que la gestion des cas soit stable et continue, et d'éviter la perte d'information et d'expertise dans les moments de transition entre les différentes étapes du processus de prévention et de réintégration, l'Efus recommande que les autorités locales et régionales :

 Soient particulièrement vigilantes sur la « gestion de la transition » en veillant (quand cela est possible) à ce que ce soit les mêmes acteurs tout au long du processus, ce qui permet de renforcer les relations de confiance, et que ceci soit clairement reflété dans les accords et protocoles d'accord pertinents.

 Permettent aux professionnels des ONG ou organisations de la société civile d'établir des relations de travail stables et durables avec les clients, car ces professionnels peuvent travailler au-delà des limites institutionnelles et poursuivre les relations de travail avec les clients à chacune des étapes de transition du processus.

 Envisagent une coopération étroite entre ces acteurs locaux et les services pénitentiaires dans leurs protocoles d'accord afin de renforcer la relation de confiance avec les clients et leur famille et d'assurer la continuité du processus. Même lorsque les relations sont personnelles, il est conseillé de créer une structure plus large qui aille au-delà de tel ou tel employé individuel. Le projet PREPARE est un modèle possible pour stimuler une telle collaboration dans d'autres régions, afin de favoriser le travail collaboratif et les expériences enrichissantes.

 Soient particulièrement attentives aux facteurs organisationnels, familiaux et personnels qui peuvent faciliter ou freiner le renoncement ou le désengagement.

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 Travaillent à supprimer les barrières à la réintégration telles que le manque d'opportunités économiques, les stéréotypes négatifs et les réglementations qui restreignent l'activité économique et la capacité à contribuer pleinement à la société.

3.4 Créer les capacités à évaluer le risque

>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Le concept d'« évaluation du risque » a généré des débats nourris et fait l'objet de nombreuses études de recherche en raison des conséquences multiples qu'il suppose dans les domaines de la sécurité et de l'action sociale et de son rôle comme facteur déterminant dans l'élaboration et la mise en œuvre de traitements complets pour les DEV en prison, durant la probation et au moment de la libération.44 De nombreux instruments et outils ont été élaborés récemment par divers gouvernements et organisations, dont la plupart sont destinés à évaluer les risques que posent ces détenus, le risque de propagation du radicalisme chez d'autres détenus, celui de la récidive, etc. On considère généralement que l'évaluation individuelle des besoins est une étape clé des processus de réhabilitation et de réintégration et qu'elle est nécessaire pour élaborer un programme individuel de soutien et de post-traitement pendant la probation ou à la libération qui prenne aussi en compte ce qui amène un individu particulier à se radicaliser. Afin d'utiliser de tels instruments au mieux, l'Efus recommande que les autorités locales et régionales :

 S'appuient sur les outils d'évaluation existants et les développent ou les adaptent pour garantir qu'ils répondent aux besoins locaux et

44. Pour une présentation de cette thématique et des différents outils d'évaluation des risques et de leurs forces et faiblesses, voir Article ex-post du RAN - Élaboration, mise en œuvre et utilisation de l'évaluation des risques pour les délinquants extrémistes et terroristes violents, juin 2018

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correspondent aux structures existantes à l'échelle locale ou régionale.

 Garantissent l'accès à des agences de renseignement ainsi que leur coordination avec celles-ci, lorsque nécessaire, dans le respect des protocoles établis pour le partage d'informations sensibles ; et évitent de créer des conflits d'intérêts en respectant les rôles et les responsabilités de tous les acteurs impliqués, tout en maintenant le client informé de cette approche.

 Maintiennent une séparation claire entre l'évaluation des risques et le mentorat et confient ces fonctions à des acteurs différents. Le mentor ne doit jamais être responsable de l'évaluation des risques, qui peut être faite par des tiers tels que les agences de sécurité. Il a une finalité différente.

 Encouragent l'utilisation régulière de tels instruments car les programmes de réhabilitation pourraient être améliorés en permanence grâce aux connaissances acquises par le personnel pénitentiaire ou de probation lors de ses échanges avec les détenus, ce qui permettrait d'améliorer en conséquence les mesures d'intervention.

 Évitent une approche uniquement centrée sur les risques, car elle pourrait aboutir à des mesures de prévention exagérément centrées sur la sécurité. Assurez-vous de prendre en compte les compétences, les ressources et le potentiel de changement des clients afin de créer des parcours de réintégration positif et fructueux.

3.5 La formation, encore et toujours

>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Travailler avec des praticiens compétents et informés est fondamental dans tous les domaines de la sécurité urbaine et de la prévention de la délinquance. Depuis une dizaine d'années, le consensus général est que les programmes de formation et de renforcement des capacités

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sont fondamentaux pour développer les aptitudes des praticiens et les outiller pour la réalisation de leurs tâches quotidiennes, qui sont complexes. Lorsque l'on travaille sur la radicalisation et l'extrémisme violent, notamment lorsque l'on est en contact direct avec des délinquants extrémistes violents, il est crucial d'avoir de solides connaissances et capacités, parce que ce sont des sujets sensibles qui font souvent l'objet d'alarmisme, voire de « scandales ». Afin d'établir des relations professionnelles, il est très important d'avoir de la sensibilité et de comprendre d'autres normes culturelles et religieuses, valeurs et modes d'expression. Si les professionnels ont des préjugés ou éprouvent de la peur face aux DEV lorsque ceux-ci sont en prison, en probation ou libérés, cela peut nuire à la relation et faire obstacle aux efforts de déradicalisation et de désengagement. Le travail direct avec les DEV demande des compétences spécifiques qui doivent être améliorées par une formation permanente et ciblée.45 Afin de fournir une formation adéquate à tous les acteurs impliqués, l'Efus recommande que les autorités locales et régionales :

 Offrent au personnel pénitentiaire et de probation des formations sur les processus de radicalisation et les indicateurs de l'extrémisme violent.

 Proposent des formations ciblées aux autres praticiens impliqués dans le processus en prison, en probation ou à la libération, que ce soit les travailleurs sociaux, les psychologues, les éducateurs ou les dirigeants religieux.

 Partagent les bonnes pratiques, manuels et autres outils qui peuvent inspirer d'autres institutions et agences pour leurs propres programmes de formation.

 Organisent des formations pour différents groupes de professionnels qui ont des besoins en formation et des attentes similaires afin de favoriser les échanges entre différents domaines professionnels. 45. On peut trouver des informations sur les nombreux programmes de formation existant pour le personnel pénitentiaire et de probation et autres acteurs de première ligne dans la publication du RAN Prévenir la radicalisation conduisant au terrorisme et à l'extrémisme violent - Formation des praticiens de première ligne, 2019

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 Centrent les formations sur les compétences pratiques lors des interactions avec les clients – pour l'essentiel des compétences en intervention primaire dans les situations où s'exprime de la haine ou de l'extrémisme violent ou sont jugées comme telles par les acteurs. Les compétences en intervention primaire permettent d'éviter l'escalade et l'aliénation mutuelle entre le délinquant/client potentiel et le mentor/représentant de la société libérale dominante.

 Soient attentives à la formation à long terme. La plupart des questions apparaissent seulement lorsque les professionnels mettent en œuvre ce qu'ils ont appris pendant la formation. Les ateliers d'une journée qui ne font l'objet d'aucun suivi ne servent pas à grand-chose.

 Offrent des formations au personnel de l'autorité locale qui participe à la stratégie multi-partenariale et envisagent de le sensibiliser à la méthodologie et aux bénéfices d'une telle approche.

 Explorent d'autres systèmes de formation, notamment les méthodologies et les compétences développées dans le domaine adjacent de la justice restaurative.

3.6 Le travail de sortie

>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Le travail de sortie vise à soutenir les DEV qui souhaitent quitter un groupe radical et violent ou une idéologie et un comportement de cette nature. Ce processus est appelé déradicalisation (abandonner l'idéologie radicale) ou désengagement (quitter un environnement radical et abandonner un comportement violent), resocialisation ou réintégration (réintégrer la communauté locale). Se détourner de la pensée et des environnements extrémistes et reconstruire des liens avec la société ordinaire peut être un processus long et compliqué.

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Généralement, ce travail de sortie est piloté par des associations spécialisées qui disposent d'équipes très compétentes et outillées qui peuvent comprendre des anciens extrémistes qui partagent leur expérience, des travailleurs sociaux et des psychologues. Mais afin de répondre de façon adéquate aux besoins du client tout au long du processus, il convient d'associer de nombreux autres acteurs, notamment le personnel pénitentiaire et de probation, des représentants de la communauté locale, les services de santé mentale, les ONG et les autorités locales. Afin qu'elles jouent un rôle productif dans ce processus et favorisent un travail de sortie efficace, l'Efus recommande que les autorités locales et régionales :

 Soutiennent ceux qui sont prêts à se désengager ou se déradicaliser en répondant à leurs besoins ainsi qu'à ceux de leur famille, et associent à ce processus une organisation professionnelle spécialisée.

 Apprennent des programmes existants en identifiant les bonnes pratiques, les expériences et les enseignements, par exemple à partir de la collection publiée par le RAN sur les stratégies de sortie.46

 Forment tous les acteurs impliqués sur les principales méthodologies et stratégies qui peuvent renforcer la motivation des DEV à quitter les groupes et systèmes de pensée extrémistes, comme par exemple l'entretien de motivation.

 Étudient la littérature sur les bonnes pratiques, la distanciation et le travail de sortie. Il existe un certain nombre de bons exemples, comme par exemple le projet de l'UE « Exit Europe » 2019-20 qui fournit des conseils intéressants pour les bonnes pratiques et la formation au travail de sortie.

 Garantissent une confidentialité maximale pour les professionnels impliqués dans le travail de sortie. Ils doivent être en mesure de travailler de façon confidentielle et donc, à terme, recevoir une garantie légale qu'ils ont le droit de refuser de témoigner dans un procès contre leur client. Mais ils doivent aussi être conscients des limites de cette confidentialité. 46. Voir RAN, Prévenir la radicalisation conduisant au terrorisme et à l'extrémisme violent. Stratégies de sortie, 2018

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3.7 Mettre l'accent sur la réintégration

>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> La grande majorité des DEV qui purgent une peine de prison finiront par être libérés. Une peine de prison n'est pas en soi une stratégie de prévention, mais seulement et exclusivement une punition pour un crime. Pour prévenir la récidive, il est nécessaire d'avoir une stratégie holistique dans l'objectif non seulement de désengager et déradicaliser le DEV mais aussi, à terme, de permettre sa réinsertion sociale. On considère généralement que les processus de resocialisation et de réintégration doivent commencer en prison et se poursuivre pendant la période de probation. Les conditions de détention ainsi que la gestion et l'environnement de la prison doivent être adaptés pour que les détenus aient le sentiment qu'il s'agit d'un « espace sûr » et que la peine soit le point de départ d'un programme de réhabilitation efficace culminant avec la réintégration du délinquant dans la communauté locale. Les autorités locales et régionales peuvent jouer un rôle important pour s'assurer que les conditions existent pour garantir le succès du processus de réintégration. Afin de mieux les associer et d'atteindre les résultats escomptés, nous recommandons que :

 La conception des programmes de resocialisation soit fondée sur les résultats obtenus par le biais des outils d'évaluation des risques et des besoins, et sur la recherche sur les besoins et la résilience. Ceci garantira une approche équilibrée qui combine des mesures de sécurité et sociales.

 Le processus de transition vers l'extérieur est tout aussi délicat et crucial. Tous les praticiens impliqués au début du processus devraient pouvoir continuer à intervenir après la sortie de prison. Afin d'obtenir les résultats attendus, il est important d'avoir des relations de confiance entre tous les acteurs intervenant auprès de l'ex-DEV, de sa famille et de sa communauté locale.

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 Des objectifs ou étapes-clés à court terme soient fixés pour éviter les sentiments de frustration et l'abandon des programmes.

 Les familles et les communautés locales soient impliquées pour faciliter les processus de resocialisation, et identifier et prévenir le risque de récidive, de même que les organisations locales et communautaires, et les communautés religieuses.

 Les familles reçoivent le nécessaire soutien psychologique, matériel ou en matière de santé lorsque l'ancien DEV revient.

 Un travail préalable soit mené avec les communautés locales pour répondre aux préjugés existants, et donc prévenir l'éventuelle stigmatisation de l'ancien DEV.

 Les approches de justice restaurative soient prises en compte, notamment les réunions de groupe avec les familles et les « cercles communautaires réparateurs » afin d'identifier et de répondre aux attentes du DEV et de la communauté.

3.8 Renforcer la coopération avec la société civile

>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Les organisations de la société civile peuvent contribuer de façon cruciale à la prévention de la violence et de la criminalité en général, et elles ont aussi un rôle clé à jouer dans la prévention de la radicalisation et de l'extrémisme violent en prison, durant la probation et à la libération. Les ONG peuvent gérer une partie importante des programmes de prévention et de resocialisation, et offrir des services essentiels pendant le processus, selon leur expertise, leur profil et leurs compétences. Il est important de noter que les ONG travaillant avec les DVE peuvent jouer un rôle d'intermédiaires contrairement aux représentants des autorités locales ou autres instances gouvernementales qui ne sont pas toujours en mesure de le faire en raison de leur statut de représentants de l'État. Par exemple, les ONG peuvent être très proches des commu-

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nautés locales et représenter de façon crédible leur culture et leurs valeurs, ce qui peut faciliter leur accès aux clients. En ce qui concerne le désengagement, la déradicalisation et la réintégration, certaines travaillent notamment avec d'anciens radicaux (appelés formers en anglais) qui peuvent jouer un rôle important pour promouvoir les programmes de sortie parce qu'ils sont crédibles et convaincants. Les autorités locales et régionales doivent ainsi contribuer à créer des conditions favorables pour une telle coopération. Nous recommandons qu'elles :

 Recensent toutes les ONG locales et régionales pertinentes, ainsi que les organisations de la société civile expérimentées dans ce domaine, afin d'organiser au mieux leur participation en fonction des besoins locaux et des interactions avec d'autres organisations et acteurs. Il est recommandé de prendre en compte le travail déjà mené par les ONG intervenant dans des domaines adjacents et qui ont des structures efficaces.

 Identifient l'implication réelle des organisations sélectionnées à chaque étape du plan de prévention ou de réintégration (lors de la définition des objectifs locaux, de l'élaboration du plan, pendant la phase de mise en œuvre et lors du suivi et de l'évaluation des actions).

 Soutiennent les organisations associées au processus en leur offrant une formation spécifique et sur mesure, en finançant des initiatives locales et en les associant quand nécessaire aux plateformes et approches multi-partenariales, en établissant des protocoles pour le partage d'informations et en précisant le rôle de chacun des acteurs.

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3.9 La coopération à l'échelle locale, nationale, européenne et internationale

>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Les autorités locales et régionales de l'Union européenne sont déterminées à prévenir l'extrémisme violent en prison, durant la probation et à la libération. Cependant, bien qu'il existe des orientations et des recommandations claires de la part des institutions européennes et d'autres organisations internationales, mettre celles-ci en pratique peut s'avérer difficile. L'échange de connaissances et de bonnes pratiques à l'échelle européenne peut renforcer le lien et la continuité entre les stratégies européennes, nationales et régionales. De plus, le fait que de telles politiques en soient à différents stades de mise en œuvre dans les différentes régions européennes aide les autorités locales et régionales moins expérimentées à apprendre des municipalités et régions qui ont déjà mis en place des stratégies plus poussées. Afin de favoriser une telle collaboration et coopération, l'Efus recommande que les autorités locales et régionales :

 Investissent suffisamment pour adapter les contenus au contexte local pour que les pratiques identifiées comme bonnes puissent être adaptées et transférées à d'autres régions.

 Organisent des visites d'étude et des réunions entre pairs entre autorités locales et régionales, afin de renforcer la coopération et de mettre en place des réseaux professionnels sur le terrain.

 Créent des réseaux locaux, nationaux et internationaux pour le partage de connaissances entre décideurs politiques, chercheurs et praticiens, ce qui crée de la valeur en termes de renforcement des capacités.

 Renforcent l'échange de connaissances et de bonnes pratiques entre autorités locales et identifient et clarifient le rôle des autorités locales dans la prévention de la radicalisation en probation et à la libération dans d'autres régions, et les meilleurs moyens de renforcer ce rôle.

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3.10 Gérer localement les combattants terroristes étrangers qui reviennent

>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Les combattants terroristes étrangers (appelés Foreign Terrorist Fighters ou FTF en anglais) sont des individus qui ont quitté leur pays pour rejoindre les zones de guerre et y recevoir un entraînement terroriste ou participer à une guerre civile. Ce n'est pas un phénomène nouveau et il a atteint son apogée entre 2011 et 2015 lorsqu'environ 5 000 personnes ont quitté l'Europe pour se battre avec Daech en Irak et en Syrie. Certains de ces combattants sont déjà revenus en Europe ou vont le faire bientôt.47 Cette tendance au retour qui se manifeste dans les pays de l'Union européenne présente des difficultés particulières pour les autorités locales et régionales, car elles doivent faire face au passé très spécial des returnees et répondre à leurs besoins en fonction des différents parcours que ceux-ci peuvent suivre au sein du processus pénal. Pour faciliter ce travail et adapter les structures locales et régionales aux besoins de ces returnees, l'Efus recommande que les autorités locales et régionales :

 Tirent des enseignements des stratégies et approches d'autres autorités locales et régionales plus expérimentées pour identifier ce qui peut manquer au sein de leur propre approche et les bonnes pratiques menées ailleurs.

 Offrent à leur personnel une formation spécifique pour gérer de tels cas.

 Élaborent des processus de resocialisation et de réintégration sur la base d'une évaluation individuelle des besoins et des risques, et en fonction des besoins et des circonstances spécifiques à chaque situation.

47. Voir le manuel du RAN, Interventions destinées aux personnes qui rentrent dans leur pays d’origine : les combattants terroristes étrangers et leur famille, juillet 2017

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 Amorcent le processus de resocialisation le plus tôt possible afin de minimiser la menace que ceux qui reviennent peuvent poser à la société, à leur famille et à eux-mêmes.

 Renforcent, lorsque nécessaire, le rôle des services locaux pour répondre aux besoins matériels des familles (emploi, logement, école).

 Associent les organisations civiles locales afin de renforcer les relations de confiance avec les returnees et leur famille.

 Soient particulièrement vigilantes sur les politiques de partage de l'information en raison de la nature sensible des données sur le returnee et ses liens avec des organisations terroristes, mais aussi du besoin de partager davantage d'informations avec les départements et organisations impliquées, ceci dans le but de renforcer la coopération et de s'assurer que les mesures prises soient fondées sur des données probantes.

3.11 Les stratégies locales de communication autour des DEV

>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> La présence de DEV dans une localité ou un quartier peut générer ou exacerber les tensions sociales et politiques et polariser les habitants. En particulier, la libération de DEV liés à des groupes ayant commis des attentats ou ayant participé à la préparation et l'exécution de tels actes peut générer des débats publics sur la question de la responsabilité politique, ce qui peut présenter un défi pour les élus. Dans de tels cas, les autorités locales doivent réfléchir et décider comment communiquer avec la population locale. Si les stratégies de communication peuvent varier selon les situations particulières et le contexte local, il semble raisonnable d'être proactifs, afin de rassurer la population au travers de campagnes locales de communication et de prendre des mesures concrètes pour répondre aux préoccupations du public. La communication locale doit aussi contrer les tendances, dans

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le débat public, à « labelliser », discriminer ou stigmatiser certaines communautés. Afin d'aider les autorités locales et régionales à relever ce défi, l'Efus recommande qu'elles :

 Travaillent au préalable avec les médias pour les sensibiliser aux termes appropriés à utiliser et les approches possibles pour éviter d'exacerber les tensions sociales et la polarisation.

 Garantissent un anonymat maximum et fassent en sorte que les cas réels qu'elles présentent aux médias soient suffisamment « travestis » pour garantir cet anonymat.

 Travaillent à une stratégie de communication institutionnelle afin d'identifier les différentes cibles, et ainsi élaborer des messages adaptés et décider de l'ordre des priorités.

 Offrent une formation sur les stratégies de communication liées à cette thématique au personnel de l'autorité locale.

 Émettent des campagnes de sensibilisation sur les bénéfices des programmes de sortie et les mesures de suivi pendant la probation et à la libération de prison ciblant les autorités locales (personnel et dirigeants), les communautés locales et les autres acteurs concernés. Ces campagnes doivent identifier le rôle que jouent les communautés locales et la société civile dans de tels programmes.

 Mettent en avant le contexte général des stratégies de prévention de la violence et les mesures de prévention de la récidive pour démontrer que le travail sur les DEV se fait en fonction d'une stratégie bien établie et fondée sur des données probantes qui est adaptée aux défis particuliers de chaque cas individuel.

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3.12 Renforcer les mesures alternatives à l'incarcération

>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> L'utilisation de mesures alternatives à l'incarcération pour les DEV condamnés pour crimes liés au terrorisme est peu commune dans la majorité des États membres, en raison de l'alarme sociale que celles-ci pourraient causer. Cette tendance évolue lentement vers une approche plus intégrale qui correspond aux stratégies nationales et régionales de prévention de l'extrémisme violent et de la radicalisation, dont les mesures « douces » et les approches pouvant contribuer directement au succès des programmes de désengagement et de resocialisation menant à la resocialisation. En accord avec le principe selon lequel la prison doit être utilisée en dernier recours, il semble nécessaire d'identifier les mesures et sanctions appropriées et d'éviter la prison lorsque cela est possible, car elle peut parfois renforcer un processus de radicalisation. Ceci est particulièrement important en ce qui concerne les jeunes délinquants extrémistes violents. En effet, l'usage exclusif de l'inculpation et de l'incarcération en l'absence de mesures de réhabilitation et de resocialisation n'aura pour seul effet que de retarder la menace que ces individus posent à la société. Afin de renforcer l'utilisation de mesures alternatives à l'incarcération et de faciliter leur acceptation par la société, l'Efus recommande que les autorités locales et régionales :

 Veillent à respecter un équilibre entre les mesures répressives et préventives lorsqu'elles élaborent leur plan d'action face à ce phénomène.

 Prennent en compte la coopération avec d'autres institutions ou organisations, et tirent les enseignements de l'expérience acquise dans des domaines adjacents.

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 Élaborent et publient une campagne de communication qui explique clairement au public comment de telles mesures peuvent bénéficier à la société et contribuer à la sécurité et au bien-être de tous.

 Considèrent sérieusement la probation comme un outil efficace pour faciliter la réintégration et la réinsertion des DEV, même si elle ne conduit pas nécessairement à leur déradicalisation. Toutefois, il est clair que la probation peut créer les conditions adéquates pour le succès des programmes de déradicalisation.

 Envisagent de mettre en place un système de récompenses et d'incitations lié au degré d'implication des agents de probation et des détenus dans ces programmes pendant la probation, pendant la durée de leur peine, et à la libération.

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Conclusion >>>>>>>>>>>>>>>>>>> Lorsqu'il a démarré en 2017, le projet PREPARE semblait particulièrement difficile et audacieux pour un ensemble de raisons :

 Le thème de la prévention de la radicalisation en probation et à la libération était nouveau pour les autorités locales et particulièrement difficile, au vu du nombre croissant de délinquants extrémistes violents purgeant une peine de prison et de combattants étrangers qui étaient attendus de retour en Europe pour y être jugés et condamnés à une peine de prison.

 Les autorités locales étaient motivées ; elles étaient prêtes à s'engager et à mobiliser leurs compétences et leurs ressources, notamment en matière de prévention. Cependant, comme la justice pénale n'entre pas dans leurs compétences et leurs responsabilités, elles comptaient beaucoup sur la coopération et la participation des institutions/organisations des niveaux de gouvernement régional et national.

 Si l'Union européenne avait clairement identifié la réhabilitation et la réintégration en prison et en probation comme une priorité de sa stratégie de contre-terrorisme, il y avait peu d'échange d'expériences et de collecte de bonnes pratiques. De même, les évaluations des programmes étaient rares et il n'y avait pas de base de données de bonnes pratiques ou de pratiques existantes. Au cours des deux ans pendant lesquels PREPARE a reçu un financement, les partenaires du projet ont relevé ces défis et mis en place diverses activités : ils ont établi un état de l'art des pratiques de prévention dans sept États membres ; ils ont participé à d'intenses échanges européens par le biais de réunions de coordination et de séminaires ; ils ont établi des partenariats internationaux pour mettre en œuvre neuf projets pilotes ; ils ont élaboré une série de recommandations qui pourront inspirer d'autres autorités locales européennes dans leur travail, et ils ont contribué à la rédaction et à la dissémination de ce guide.

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Il est utile de rappeler les quelques enseignements clés de ce travail, qui concernent tout autant le domaine d'activité de PREPARE que les politiques de sécurité urbaine au sens large :

 Dans notre travail de prévention de la radicalisation et de la récidive, nous devons privilégier les stratégies à long terme et chercher à créer les conditions pour que nos projets et initiatives soient durables et évoluent avec le temps. Les processus de désengagement, de déradicalisation et de réhabilitation sont particulièrement longs et demandent des conditions et des partenariats stables, et donc des cadres et des systèmes de financement stables.

 Les stratégies de prévention holistiques s'appuient sur des réseaux larges et variés de partenaires. La liste des services et institutions qui pourraient faire partie de tels partenariats doit inclure : la force de sécurité publique de l'État ; les services judiciaires ; les services pénitentiaires ; un représentant de l'État (national ou fédéral) ; la police locale ; des travailleurs sociaux ; le service local de la jeunesse et des sports ; des représentants du monde de la culture ; les services de santé ; les services d'insertion professionnelle ; les services du logement ; des associations locales ; des associations de soutien aux victimes ; les familles et les associations les représentant ; la recherche universitaire et des représentants des communautés confessionnelles.

 Dans le domaine complexe de la prévention de la radicalisation en probation et à la libération, il est nécessaire de travailler simultanément sur plusieurs niveaux : les programmes de prévention en prison ne doivent pas seulement cibler les délinquants pour faits d'extrémisme et de terrorisme, mais aussi toute la population de la prison. Les dispositifs d'évaluation des risques doivent être élaborés en tenant compte des contextes locaux et il convient d'évaluer individuellement les risques présentés par les délinquants extrémistes violents. Des programmes de sortie doivent être proposés à ceux qui sont prêts et motivés à quitter les groupes extrémistes et se détourner de la violence. Il convient de mettre en place des procédures de gestion des cas pour permettre un accompagnement et un suivi continu des DEV. Des plateformes multipartenariales réunissant tous les acteurs concernés doivent être mises en place et se réunir

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régulièrement pour évaluer les situations et réagir rapidement lorsque nécessaire. Enfin, il convient de développer une offre de formation à proposer à un grand nombre d'acteurs afin d'améliorer en permanence les compétences et les capacités.

 L'investissement public dans les délinquants, qu'ils soient ou non extrémistes, peut susciter la controverse. Il est donc nécessaire d'avoir un soutien politique pour communiquer avec le public et le convaincre que les dispositifs de prévention en prison et en probation, et les programmes de sortie et de réhabilitation sont des composantes importantes de toute politique de sécurité urbaine démocratique et fondée sur les droits humains. Les maires et autres élus sont particulièrement bien placés pour promouvoir cette approche et susciter l'acceptation et le soutien du public pour de tels projets. Le projet PREPARE a clairement montré que la prévention de la radicalisation en probation et à la libération, ainsi que le désengagement et la déradicalisation ne relèvent pas seulement des services judiciaires. Une approche holistique qui prend en compte les différentes formes d'extrémisme, les besoins individuels des délinquants, les différents contextes locaux et les variations importantes entre les stratégies de prévention et les partenariats aux niveaux municipal et régional doit s'appuyer sur un réseau d'acteurs bien plus large. L'une des forces d'un tel projet de coopération européen est qu'il attire notre attention sur les défis qui nous sont posés au-delà des différences entre les contextes locaux et les cadres de travail. PREPARE a montré que tout programme destiné à répondre à l'extrémisme violent et à soutenir le désengagement de la violence doit être conçu pour contrer les principaux facteurs d'extrémisme violent dans le contexte politique et social spécifique où celui-ci apparaît. De plus, le contenu et le style de tels programmes doivent être adaptés au stade auquel se trouve l'individu dans le processus menant à l'exécution d'actes violents. Ainsi, les programmes destinés à empêcher que les individus à risque ne dérivent vers la violence doivent être différents de ceux qui visent les condamnés à une peine de prison pour des faits commis, et de ceux destinés aux individus souhaitant se désengager de la violence. Ces catégories peuvent bien sûr se chevaucher, mais les programmes de

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prévention, de gestion des risques et de sortie doivent être distincts et adaptés aux contextes locaux dans lesquels ils seront mis en place. Les autorités locales sont les mieux placées pour diriger de tels processus d'adaptation puisqu'elles sont le niveau de gouvernance le plus proche des citoyens et des communautés, sur le terrain. Enfin, un autre enseignement clé de PREPARE est que les autorités locales et les ONG spécialisées, partout en Europe, ont déjà une vaste somme de connaissances et d'expertise à leur disposition. De nombreux projets, initiatives et stratégies ont déjà été élaborés et mis en œuvre à travers l'Europe pour encourager les délinquants extrémistes à se désengager et se déradicaliser et prévenir la radicalisation en prison, durant la probation et à la libération. L'expérience née de ces pratiques locales est une ressource-clé pour l'élaboration de futures politiques de prévention et elle sera très importante pour nourrir les efforts aux niveaux national, européen et international. Investir dans de telles stratégies est payant parce que celles-ci peuvent contribuer de façon décisive à pacifier nos sociétés. Ce guide appartient à ses utilisateurs. Il reflète les enseignements et les résultats du processus de mise en œuvre d'un projet court mais intense. Les autorités locales et les ONG qui y ont participé ont choisi d'adopter une approche positive face à une question complexe, difficile mais aussi urgente. Elles ont généreusement partagé leur expérience directe et leurs connaissances, que ce guide met à la disposition de leurs pairs. Ensemble, nous espérons qu'il contribuera à renforcer les efforts pour surmonter la violence extrémiste et aider ceux qui sont engagés sur le chemin de la radicalisation à se désengager et à réintégrer leur communauté locale.

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Guide de ressources >>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Cette section présente une série de publications intéressantes sur la prévention de la radicalisation et de l'extrémisme violent à l'échelle locale dans le contexte de la prison, de la probation et de la libération de prison, et sur la réhabilitation et la resocialisation de délinquants extrémistes violents. Ces publications, qui donnent des éléments de contexte, des conseils et des recommandations pratiques, sont présentées ici de façon concise afin de faciliter leur accès à nos lecteurs. Cette sélection n'est pas exhaustive : nous avons choisi en priorité les publications qui peuvent être utiles aux praticiens de la sécurité et de la prévention aux niveaux local et régional.

Conseil de l'Europe Prison : terreau de radicalisation et d’extrémisme violent ? Conseil de l'Europe, 2018 Cette publication présente des manuels, des orientations, des exemples de bonnes pratiques, des comptes-rendus de réunion et des déclarations du Conseil de l'Europe au sujet du personnel pénitentiaire et de probation. Destinée à aider celui-ci à prévenir et contrer l'extrémisme violent, elle propose des principes directeurs, des outils et des conseils fondés sur une approche équilibrée entre les droits humains, la sécurité et une justice pénale efficace.

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Lignes directrices à l’intention des services pénitentiaires et de probation concernant la radicalisation et l’extrémisme violent Conseil de l'Europe, 2016 Ces lignes directrices adoptées par le Comité des ministres en 2016 recommandent que les services pénitentiaires et de prévention prennent des mesures pour éviter que les personnes dont ils ont la responsabilité ne se radicalisent ou n'acceptent des vues extrémistes pouvant mener à des actes terroristes et pour détecter, gérer et réinsérer les personnes radicalisées. Elles donnent les principes directeurs de la prévention de l'extrémisme violent et expliquent comment les services pénitentiaires et de probation peuvent y contribuer ; elles offrent des conseils sur la détection, la prévention et le traitement de la radicalisation en prison, et présentent un aperçu du travail post-libération et de la recherche, de l'évaluation et de la communication.

Guide du Conseil de l'Europe à l'intention des services pénitentiaires et de probation concernant la radicalisation et l'extrémisme violent Conseil de l'Europe, 2016 Destiné au personnel pénitentiaire et de probation, ce guide fournit des conseils pratiques et des exemples de méthodes et d'outils existants. Couvrant une gamme de techniques, procédures et programmes destinés à détecter, prévenir et gérer des cas complexes de radicalisation et d'extrémisme violent, ce guide peut être utilisé lors de la mise en place de procédures d'amélioration. Celles-ci comprennent les programmes d'évaluation des risques et d'intervention ; les questions de classification, d'attribution, de régime et de traitement, et la coopération pluridisciplinaire entre les services pénitentiaires et de probation, de renseignements, de police et autres.

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Organiser des activités interculturelles et interreligieuses - Boîte à outils interculturels et interreligieux Conseil de l'Europe, 2015 Dans le cadre de sa « Stratégie pour combattre la radicalisation au plus près des citoyens » adoptée en 2015, le Conseil de l'Europe a publié cette boîte à outils destinée à informer et sensibiliser les autorités locales européennes. Elle rassemble des documents légaux et généraux, une base de données des offres en matière d'éducation et de formation, des exemples de bonnes pratiques, et des conseils et recommandations encourageant les autorités locales et régionales à soutenir les programmes de déradicalisation et à y associer la société civile. La boîte à outils comprend aussi une section dédiée aux meilleures pratiques dans le domaine des programmes de sortie.

Forum européen pour la sécurité urbaine (Efus) Prévention de la radicalisation violente – Guide méthodologique pour l’élaboration d’une stratégie Forum européen pour la sécurité urbaine, 2017 Ce guide méthodologique produit à l'issue de la deuxième phase du projet LIAISE de l'Efus offre aux autorités locales des conseils étape par étape pour l'élaboration, la mise en œuvre et l'évaluation d'une stratégie locale de prévention de la radicalisation dans le cadre d'une stratégie plus large de prévention de la délinquance. Il propose des principes directeurs pour une telle stratégie et des conseils pratiques pour une mise en œuvre réussie, dont notamment la mobilisation politique, la création d'un partenariat, la formation des acteurs locaux, la réalisation d'un diagnostic partagé, la communication et l'élaboration et l'évaluation de projets pilotes.

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Prévenir et lutter contre la radicalisation à l’échelon local Forum européen pour la sécurité urbaine, 2016 Ce guide résulte du projet européen mené par l'Efus Local Institutions Against Extremism (Institutions locales contre l'extrémisme, LIAISE) 1. Il présente les principaux concepts et définitions autour de la radicalisation et de l'extrémisme violent que les acteurs locaux doivent connaître. De plus, il identifie les principaux champs d'action de la prévention à l'échelle locale, notamment les partenariats multi-institutionnels, le soutien aux familles, le renforcement de la résilience, la déradicalisation et le désengagement, et les contre-discours. Chaque section thématique comprend des exemples de pratiques et d'outils utilisés par les autorités locales à travers l'Europe qui peuvent inspirer les actions menées par les villes et régions européennes.

Prévention de la récidive : un kit de formation pour les acteurs locaux Forum européen pour la sécurité urbaine, 2012 Cette publication souligne l'importance d'une politique locale de prévention de la délinquance. Elle a pour objectif d'aider les autorités locales à préparer et former les acteurs locaux afin qu'ils puissent mettre en œuvre avec succès des programmes locaux de prévention. Elle comprend un guide pour l'élaboration d'un programme de formation en cinq étapes : diagnostic, élaboration, développement, mise en œuvre et évaluation (modèle ADDIE). Ce kit de formation est accompagné d'une plateforme de e-learning offrant des vidéos et d'autres outils pour les acteurs locaux.

Stratégies innovantes pour la prévention de la récidive Forum européen pour la sécurité urbaine, 2009 Ce guide résultant d'un projet de coopération européen réunissant des partenaires d'Allemagne, Espagne, France, Italie, République tchèque et Roumanie examine la place de la prévention de la récidive dans les politiques locales de sécurité en Europe. Il propose une méthodologie commune pour les projets de prévention de la récidive, des pratiques

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innovantes en matière de logement, emploi, éducation, santé, relations familiales et gestion des dettes, ainsi que 14 recommandations destinées à aider les acteurs locaux à élaborer des stratégies de prévention de la récidive plus efficaces.

Villes contre le terrorisme Forum européen pour la sécurité urbaine, 2007 Cette publication qui résulte d'un projet de coopération européen réunissant des autorités locales et des chercheurs de divers pays européens a pour objectif d'aider les villes et les régions à élaborer des stratégies de prévention du terrorisme. Il comprend des études de cas en Allemagne, Pologne, Portugal et Royaume-Uni. Partant du principe que la lutte contre le terrorisme est une question affectant les autorités locales et que les villes ont un rôle à jouer dans les politiques internationales de contre-terrorisme, il présente des principes directeurs pour les stratégies locales de prévention et couvre notamment les aspects liés à la communication, la gestion de crise, le dialogue entre les diverses communautés et le soutien aux victimes.

Union européenne High-Level Commission Expert Group on Radicalisation (HLCEG-R) Final Report Commission européenne, 2018 Ce rapport (en anglais seulement), produit par le groupe d'experts de haut niveau sur la radicalisation auprès de la Commission européenne (High-Level Expert Group on Radicalisation, HLCEG-R), offre des conseils à l'UE sur la façon d'améliorer la coopération et la collaboration entre les différents acteurs impliqués dans les politiques de prévention de l'extrémisme violent, et sur le développement des politiques de prévention et des mécanismes de coopération de l'UE. Il comprend une série de principes et de recommandations pour la mise en place de mesures de prévention et de contre-terrorisme ciblées et efficaces aux niveaux européen et national. Ce travail cherche à maxim-

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iser la valeur ajoutée de la coopération européenne dans le domaine de la radicalisation, notamment en évitant de dupliquer les missions et les rôles d'autres groupes. Une série de recommandations est dédiée aux domaines de « la prison et la probation, la réhabilitation et la réintégration » avec des conseils sur l'échange d'expériences et de bonnes pratiques, la recherche, le financement, la formation et l'élaboration des politiques.

Communication de la Commission au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions - Soutien à la prévention de la radicalisation conduisant à l'extrémisme violent Commission européenne, 2016 Cette communication concerne le soutien que l'UE apporte aux États membres dans leurs efforts de prévention de la radicalisation menant à l'extrémisme violent et au terrorisme. Elle précise la nature de ce soutien dans sept domaines clés : (1) le soutien à la recherche, à la collecte de données probantes, au suivi et au réseautage ; (2) contrer la propagande terroriste et les discours de haine en ligne ; (3) répondre à la radicalisation en prison ; (4) promouvoir une éducation inclusive et les valeurs de l'UE ; (5) promouvoir une société inclusive, ouverte et résiliente et entrer en dialogue avec les jeunes ; (6) la dimension sécuritaire des efforts pour contrer la radicalisation ; (7) la dimension internationale. En ce qui concerne la radicalisation en prison, le texte liste cinq actions dont les programmes de réhabilitation des détenus que peuvent mener les États membres, et l'échange de bonnes pratiques et de politiques en matière d'exécution des peines.

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Avis du Comité européen des régions — « Combattre la radicalisation et l’extrémisme violents : mécanismes de prévention au niveau local et régional » Comité des régions de l'UE, 2016 Dans cet avis publié en 2016, le Comité européen des régions examine le rôle des autorités locales et régionales dans la prévention et la lutte contre la radicalisation et l'extrémisme violent. Se fondant sur le principe du respect des droits humains et de la diversité, le Comité présente 70 recommandations adressées aux autorités locales et régionales. En particulier, le Comité conseille d'accompagner les programmes individuels de déradicalisation avec des mesures telles que l'établissement de partenariats avec les représentants des communautés locales, l'investissement dans les projets sociaux et de quartier pour contrer la marginalisation économique et géographique, et la mise en place de programmes de mentorat pour les jeunes qui sont désabusés et marginalisés et en risque de dérive vers la radicalisation violente.

Conclusions du Conseil de l'Union européenne et des États membres, réunis au sein du Conseil, sur le renforcement de la réponse pénale à la radicalisation conduisant au terrorisme et à l'extrémisme violent Conseil de l'Union européenne, 2015 Ces conclusions adoptées par le Conseil en 2015 constituent une contribution à la réponse des systèmes pénaux face à la radicalisation et à l'extrémisme violent. Le Conseil appelle les acteurs à mettre en place des actions appropriées où et quand cela est possible, et souligne le rôle important des acteurs locaux. Ces conclusions identifient sept domaines clés sur lesquels il convient d'agir : (1) la structure et l'organisation des régimes de détention ; (2) les mesures alternatives ou additionnelles aux poursuites et à la détention ; (3) l'intégration, la réhabilitation et la réintégration ; (4) la formation ; (5) le suivi et l'échange de pratiques ; (6) le financement ; (7) la dimension externe.

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Global Counterterrorism Forum (GCTF) Initiative to Address the Life Cycle of Radicalization to Violence. Recommendations on the Effective Use of Appropriate Alternative Measures for Terrorism-Related Offenses Global Counterterrorism Forum, 2016 Résultant des réunions d'experts menées par le Global Counterterrorism Forum (Forum mondial de lutte contre le terrorisme) et de l'Institut international pour la justice et l'état de droit, ce document (en anglais seulement) contient une série de recommandations quant aux mesures pouvant être utilisées à l'échelle nationale ou locale comme alternatives à la détention préventive ou à l'incarcération des individus poursuivis ou condamnés pour faits liés au terrorisme. Ces recommandations donnent un cadre à ce phénomène complexe et nouveau, et encouragent les États à élargir les mesures alternatives existantes aux délinquants extrémistes violents.

Rome Memorandum on Good Practices for the Rehabilitation and Reintegration of Violent Extremist Offenders Global Counterterrorism Forum, 2012 Dans ce mémorandum (en anglais seulement), le Global Counterterrorism Forum présente 25 principes et bonnes pratiques destinés à renforcer ou élaborer de nouveaux programmes ou politiques de réhabilitation et de réintégration des délinquants extrémistes violents. Il aborde également le thème plus large de la radicalisation en prison. Les principes présentés concernent notamment le développement de programmes, les standards des prisons, l'évaluation des risques, le rôle des différents services et acteurs, les éléments de la réintégration, et la formation.

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Addendum to the Rome Memorandum on Good Practices for Rehabilitation and Reintegration of Violent Extremist Offenders Global Counterterrorism Forum, 2012 Ce complément au Mémorandum de Rome (en anglais seulement) offre une analyse des défis internes et externes et des obstacles auxquels font face les autorités dans le traitement et la réintégration des délinquants extrémistes et terroristes, ainsi que des stratégies possibles pour surmonter de tels obstacles. Il présente une série de bonnes pratiques relatives aux cadres législatifs que les gouvernements nationaux doivent mettre en place afin de faciliter les programmes efficaces de soutien et de réhabilitation des délinquants extrémistes violents.

International Centre for CounterTerrorism Background Paper: Roundtable Expert Meeting & Conference on Rehabilitation and Reintegration of Violent Extremist Offenders – Core Principles & Good Practices International Centre for Counter-Terrorism, 2012 Ce document de synthèse (en anglais seulement) donne la définition d'un certain nombre de termes et notions clés ; il définit des objectifs et précise le rôle des acteurs concernés par les programmes de réhabilitation et de réintégration des délinquants extrémistes violents. Il appelle à une approche holistique et fondée sur la culture particulière des territoires locaux et des individus auxquels elle s'adresse. Enfin, il présente des principes généraux et des bonnes pratiques qui favorisent le succès de telles initiatives.

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Institut international pour la justice et l’État de droit Prison Management Recommendations to Counter and Address Prison Radicalisation Institut international pour la justice et l'État de droit, 2015 Ce document de synthèse (en anglais et arabe seulement) présente une série de principes directeurs et 16 recommandations pratiques sur la gestion des prisons et des détenus dans l'objectif de prévenir et de répondre à la radicalisation menant à l'extrémisme violent. L'Institut recommande une approche préventive et analyse l'environnement pénitentiaire et les risques et opportunités qu'il présente. Si les recommandations n'abordent pas la question de la resocialisation, elles couvrent le suivi post-intervention et la gestion de la transition entre la détention et la libération.

Radicalisation Awareness Network (RAN) Document ex-post - Le défi de la resocialisation : prendre en charge des individus radicalisés pendant et après la détention Radicalisation Awareness Network (RAN), 2018 Rédigé à l'issue d'un événement sur les politiques et les pratiques organisé par le RAN en septembre 2018, ce document adressé aux décideurs politiques, aux praticiens et au personnel pénitentiaire et de prison concerne la gestion des individus radicalisés. Il identifie les principaux enjeux de la réintégration des anciens délinquants extrémistes, notamment les obstacles à la réintégration, la gestion de la transition et la préparation de l'après-libération, l'évaluation des risques et de la résilience, la coopération multi-partenariale, et la formation du personnel. Il couvre la resocialisation et la réintégration des délinquants extrémistes ainsi que la prévention de la récidive.

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Manuel du RAN - Interventions destinées aux personnes qui rentrent dans leur pays d’origine : les combattants terroristes étrangers et leur famille Radicalisation Awareness Network (RAN), 2018 Ce manuel offre une synthèse du corpus de connaissances et d'expertise en matière de réponse au phénomène des combattants terroristes étrangers qui retournent dans leur pays d'origine en Europe après un séjour dans les zones de guerre. Il donne des faits et chiffres ainsi qu'un profil de ces combattants, et comprend des sections sur l'analyse et l'évaluation des risques, la coopération multi-partenariale, les poursuites, les alternatives à la détention, la resocialisation et les returnees mineurs. De plus, il présente les recommandations des praticiens du RAN destinées aux États membres de l'UE en matière d'évaluation des risques, de coopération multi-partenariale, de poursuites et d'emprisonnement, de resocialisations et de thèmes transversaux tels que le genre. Prévenir la radicalisation conduisant au terrorisme et à l’extrémisme violent - Stratégies de sortie Radicalisation Awareness Network (RAN), 2018 Ce document présente les stratégies de sortie, c'est-à-dire l'élaboration et la gestion de programmes de déradicalisation ou de désengagement qui visent à amener les extrémistes à changer leur vision du monde, à abandonner leur adhésion à la violence (déradicalisation) et leur implication dans l'activisme violent (désengagement) et à faciliter leur réintégration dans la société. Il donne les principaux objectifs et les méthodes employées dans de tels programmes, accompagnés d'une vingtaine de cas concrets en Europe. Enfin, il offre des conclusions et des enseignements tirés de ces expériences.

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Article ex-post - Conférence de haut niveau sur les enfants « revenants » et les détenus après leur libération Radicalisation Awareness Network (RAN), 2018 Cet article résulte de la conférence de haut niveau du RAN sur les enfants « revenants » et les détenus après leur libération, organisée en octobre 2018. Il donne un résumé des débats qui ont eu lieu entre les décideurs politiques et les praticiens de toute l'Europe sur la gestion des mineurs qui reviennent d'Irak et de Syrie ou qui fuient les zones de guerre et se réfugient dans l'UE, et sur les mesures de prévention de la récidive et d'accompagnement et de suivi des délinquants radicaux à leur libération. L'article présente une série de recommandations pour améliorer les mesures existantes, notamment la systématisation et la standardisation des procédures, et pour affiner et développer davantage de telles interventions.

Document ex-post - Exercices de simulation : Pratiquer la coopération interinstitutionnelle Radicalisation Awareness Network (RAN), 2018 Ce document résulte d'une réunion du groupe de travail de RAN Local organisée en novembre 2018. Il présente les principaux points à connaître pour favoriser la coopération interinstitutionnelle et bâtir un réseau solide et fiable afin de protéger les individus en risque et de prévenir la radicalisation à l'échelle locale. Il comprend une série de recommandations et d'exercices pratiques sur le rôle des autorités locales et la valeur ajoutée de la coopération multi-partenariale dans divers domaines, notamment un exercice sur le thème de la gestion, à l'échelle municipale, d'un combattant terroriste de retour des zones de guerre.

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The Role of Family and Social Networks in the Rehabilitation of (Violent) Extremist and Terrorist Offenders (Ex Post Paper) Radicalisation Awareness Network (RAN), 2018 Résultant d'une réunion d'experts organisée en 2018, ce document (en anglais seulement) analyse le rôle particulier et les besoins des familles et des réseaux sociaux dans les programmes de réhabilitation et de resocialisation. Notamment, il définit le rôle des services d'aide à la famille lorsque l'on travaille avec les délinquants extrémistes violents.

Prison and Probation Working Group Meeting on Multi-Agency Cooperation (Ex Post Paper) Radicalisation Awareness Network (RAN), 2016 Ce document (en anglais seulement) résulte d'une réunion du groupe de travail Prison et Probation du RAN qui a eu lieu en 2016 sur le thème de la coopération multi-partenariale dans la gestion des délinquants radicalisés. Il identifie un certain nombre de problèmes liés à une telle coopération auxquels le personnel pénitentiaire et de probation est confronté dans son travail quotidien, et propose des solutions pour organiser une coopération efficace au sein d'un réseau d'acteurs. Il donne notamment des conseils pour la définition d'objectifs communs, l'établissement de relations de confiance entre les partenaires et les procédures de partage de l'information. En annexe, il présente une série de cas concrets de coopération multi-partenariale en Belgique, France et Suède.

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Approches vis-à-vis des délinquants extrémistes violents et en matière de lutte contre la radicalisation en prison et en probation Radicalisation Awareness Network (RAN), 2016 Ce document de synthèse, destiné aux décideurs politiques, aux directeurs de prison et au personnel pénitentiaire et de probation, présente les pratiques existantes et les principaux problèmes liés à la gestion dans le cadre de la prison et de la probation des délinquants extrémistes violents et des individus en risque de dérive vers l'extrémisme violent. Il couvre des thèmes tels que les conditions de détention, les stratégies de réintégration, l'évaluation des risques, le choix d'un régime de détention, les initiatives de réhabilitation et de réintégration, et la formation du personnel. Il présente également une série de concepts, définitions et recommandations politiques.

Prévenir la radicalisation conduisant au terrorisme et à l’extrémisme violent - Interventions dans les maisons d’arrêt et les systèmes de probation Radicalisation Awareness Network (RAN), 2015 Ce manuel présente sous forme de fiches concises une série d'interventions en prison et en probation qui ont été réalisées à travers l'Europe. Toutes étaient fondées sur le principe de la réhabilitation et du bienêtre des délinquants, l'évaluation individuelle des risques, la capacité de changer de façon positive si l'on reçoit un soutien au désengagement, le respect des droits humains, les relations positives entre le personnel pénitentiaire et le détenu et une gestion saine de la maison d'arrêt, et enfin la coopération multi-partenariale. Ce manuel fait partie de la collection du RAN sur les interventions en prison et en probation.

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Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) Manuel sur les enfants recrutés et exploités par des groupes terroristes et extrémistes violents : Le rôle du système judiciaire Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), 2017 Ce manuel est destiné à donner aux autorités nationales des recommandations cohérentes sur le traitement des enfants recrutés et exploités par les groupes terroristes et extrémistes violents, et met l'accent sur le rôle du système judiciaire. Il comprend des chapitres sur les stratégies de prévention, le traitement par le système judiciaire des enfants victimes, et la gestion des programmes de réhabilitation et de réintégration. Il soutient que le système judiciaire doit avoir pour mission principale la réhabilitation et la réintégration, et qu'il convient de mettre en œuvre des programmes complets et adaptés aux mineurs victimes. Il comprend des études de cas, des listes de contrôle pour les praticiens et une annexe nourrie sur les cadres législatifs internationaux.

Manuel sur la gestion des détenus extrémistes violents et la prévention de la radicalisation violente en milieu carcéral Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), 2016 Ce manuel est destiné au personnel de direction des prisons, au personnel pénitentiaire et aux autres acteurs du système pénal. Il fournit des conseils techniques sur la gestion des détenus extrémistes violents et examine comment prévenir l'essor de l'extrémisme violent en milieu carcéral et les interventions destinées à désengager les détenus extrémistes violents, et comment faciliter leur réintégration sociale après leur libération. Huit chapitres thématiques couvrent des aspects tels que la formation du personnel pénitentiaire, l'évaluation des risques, la bonne gestion des interventions pour le désengagement, et la préparation des détenus à la libération et à la réintégration dans leur communauté locale. Le dernier chapitre propose des recommandations politiques concises sur tous les thèmes abordés.

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Handbook on the Management of High-Risk Prisoners Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), 2016 Ce manuel donne des conseils et des recommandations sur la gestion des détenus à haut risque (le lien ci-dessus vers la version anglaise seulement). Il aborde notamment l'évaluation, la classification et l'attribution, ce qui est exigé du personnel pénitentiaire, la gestion des contacts avec le monde extérieur, et la gestion des régimes de sécurité et constructifs. Il présente également un certain nombre de cas concrets de programmes destinés à ce type de détenus, assortis de conseils.

Manuel sur la sécurité dynamique et le renseignement pénitentiaire Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), 2015 Ce manuel est destiné à aider les États à appliquer les règles de l'état de droit et à élaborer des réformes de leur système pénal. Il se concentre sur la sécurité dynamique et le renseignement pénitentiaire qui contribuent à éviter les évasions et maintenir l'ordre en prison.

Les règles Nelson Mandela - Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), 2015 Adoptées par l'ONUDC en 2015, les règles Nelson Mandela révisent les règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus, qui datent de 1955. Il s'agit d'un document international clé en matière de justice pénale, qui comprend une série de recommandations sur les principes et les pratiques de traitement des détenus et de gestion des prisons qui font consensus. Il comprend des sections sur la santé, les restrictions, la discipline et les sanctions, les moyens de contrainte, les perquisitions dans les cellules, les contacts avec le monde extérieur, les plaintes des détenus, les enquêtes et les inspections.

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Glossaire >>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Ancien extrémiste violent (ou former en anglais) Ce terme fait référence aux individus qui ont fait partie de groupes radicalisés ou extrémistes, et se sont désengagés de la violence, abandonnant leurs idées extrémistes violentes. Certains formers sont maintenant engagés dans des programmes de prévention de la violence extrémiste ou de sortie, et peuvent jouer un rôle important pour sensibiliser et promouvoir des contre-discours crédibles. Leur expérience de première main de la radicalisation et de l'extrémisme violent peut être un atout pour les mesures de prévention, à condition que certaines conditions soient remplies, notamment leur formation, suivi et contrôle. On considère qu'un individu est devenu un former lorsque les deux processus – déradicalisation et désengagement – ont été finalisés avec succès.

Combattant terroriste étranger Les combattants terroristes étrangers sont définis comme « des individus qui se rendent dans un État autre que leur État de résidence ou de nationalité, dans le dessein de commettre, d’organiser ou de préparer des actes de terrorisme, ou afin d’y participer ou de dispenser ou recevoir un entraînement au terrorisme, notamment à l’occasion d’un conflit armé ».48 Dans le contexte européen, ce phénomène concerne particulièrement les Européens qui partent pour l'Irak ou la Syrie rejoindre ISIL/Daech, Al Qaeda ou autre groupe terroriste. Étant donné leur implication dans des activités terroristes et des actes de guerre, ces combattants étrangers sont considérés comme particulièrement à risque, notamment lorsqu'ils reviennent dans leur pays d'origine en tant que returnees (voir ci-dessous).

48. Résolution 2178 (2014) du Conseil de sécurité des Nations Unies

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Déradicalisation La déradicalisation est un processus psychologique et social qui peut avoir lieu avec ou sans l'aide de programmes dédiés ou d'interventions ou actions destinées à inverser un processus de radicalisation chez une personne ou un groupe d'individus. Les mesures de déradicalisation concernent le niveau idéologique ou cognitif, les convictions et les valeurs, et ont pour objectif d'amener une personne à remettre en question, réviser et abandonner ses vues et positionnements extrémistes violents. Le concept de déradicalisation est sujet à controverse parce qu'il implique de modifier la façon de penser d'une personne, ce que certains jugent comme de la manipulation mentale.

Désengagement Il s'agit du processus inverse de celui de la radicalisation violente : il s'agit ici d'amener un individu à abandonner la violence, fondée sur une idéologie radicale, comme moyen d'atteindre ses buts. Les mesures de désengagement mettent l'accent sur les aspects comportementaux de l'extrémisme et visent à la renonciation à l'usage de la violence comme moyen d'atteindre des buts politiques ou religieux, ou à l'abandon du groupe qui prône de telles tactiques.

Extrémisme Le terme « extrémisme » décrit des idées, des vues sur le monde ou des idéologies qui sont diamétralement opposées aux valeurs fondamentales de la société et qui peuvent comprendre des formes variées du concept de suprématie fondées sur des griefs perçus, ou une idéologie qui nie systématiquement les droits humains fondamentaux. Il convient de distinguer entre l'extrémisme cognitif et comportemental, et l'extrémisme violent. L'extrémisme cognitif fait référence à une opposition conceptuelle ou idéologique aux valeurs fondamentales de la société et cherche à imposer la suprématie d'une certaine idéologie ou croyance, en refusant de reconnaître les droits humains et les procédés démocratiques. L'extrémisme comportemental ou violent fait référence aux moyens et méthodes violents utilisés par les individus et groupes

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extrémistes pour atteindre leurs buts en ignorant la vie, les droits et les libertés fondamentales des autres.

Probation La loi pénale décrit le terme « probation » comme désignant une période de parole ou de suspension durant laquelle un délinquant est placé, sur décision de justice, sous surveillance au lieu d'être en prison. Un délinquant en probation est toujours suivi par un agent de probation et doit respecter un certain nombre d'obligations, sous peine d'être renvoyé en prison. La probation comprend une série d'activités et d'interventions, notamment de supervision, de conseil et d'assistance, destinées à favoriser l'inclusion sociale du délinquant et la sécurité de la société. Dans certains États membres, la loi interdit aux délinquants extrémistes et auteurs de crimes terroristes de bénéficier du régime de probation.

Radicalisation Bien que sa définition demeure controversée, le terme « radicalisation » fait référence généralement au processus selon lequel un individu ou un groupe de personnes adhèrent à l'extrémisme ou au radicalisme. Ce phénomène peut ainsi être considéré comme la progression vers diverses formes d'extrémisme (de droite ou de gauche, anarchiste ou religieux, et même écologique). Ces processus sont considérés comme complexes et comprennent plusieurs étapes. Ils sont alimentés par différents facteurs tels que les griefs, les besoins, l'idéologie, le contact avec des recruteurs et la violence.

Radicalisme Le terme « radical » implique un retour aux racines, à l'essence de quelque chose. La radicalisation, être radical, peut mener au radicalisme, mais pas nécessairement à l'extrémisme. Le radicalisme implique l'idée d'un changement fondamental du statu quo social, le refus par certains individus de tout compromis et la volonté d'aller au bout de leurs convictions. Mais le radicalisme peut aussi amener des changements

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considérés comme progressistes. Par exemple, Nelson Mandela et Martin Luther King sont considérés comme les avocats d'un radicalisme qui a amené des libertés et des droits que nous considérons aujourd'hui comme fondamentaux.

Réhabilitation La réhabilitation est comprise généralement comme le processus de rééducation et de re-formation des délinquants criminels. Elle s'appuie le plus souvent sur des approches sociales et psychologiques qui ciblent les distorsions cognitives associées à certains types spécifiques de crimes commis par certains délinquants, mais elle peut aussi comprendre une éducation plus générale, comme les capacités de lecture et d'écriture et la formation professionnelle. Les programmes de réhabilitation ont pour objectif de resocialiser et de réintégrer les délinquants dans la société ou une communauté.

Resocialisation Le terme de « resocialisation » décrit l'habilité d'un détenu à mener à l'avenir une vie sans délits de façon responsable. Outre la protection du public contre le risque de nouveaux délits, il s'agit d'un objectif important de l'application de la loi. L'idée de resocialisation sert cet objectif en vue de la réintégration d'un délinquant dans la société. Afin de pouvoir travailler à la resocialisation des délinquants, les prisons doivent être en mesure d'appliquer les mesures appropriées, en général par des travailleurs sociaux au sein de la maison d'arrêt ou des fournisseurs extérieurs tels que les ONG.

Résilience Le terme « résilience » vient du champ de la psychologie et décrit l'habilité d'une personne à faire face à une situation de crise et à rebondir. Adapté à la criminologie, il décrit un ensemble de facteurs ou de dispositifs qui rendent un individu moins vulnérable à un comportement délinquant ou criminel ou encore à la récidive. Cette notion prend toute son

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importance dans le contexte de la prévention de la radicalisation et de l'extrémisme violent. Les mesures chercheront à renforcer les facteurs de protection afin de rendre les individus plus résilients face aux idéologies et aux environnements extrémistes et de réduire le risque de récidive.

Returnees Un returnee est un combattant terroriste étranger qui revient dans son pays d'origine. Les returnees ont divers profils : ils peuvent être des hommes, des femmes ou des enfants qui ont été gravement traumatisés. Ils peuvent revenir de leur plein gré ou involontairement si capturés ; être envoyés pour ou préparer des attentats dans leur pays d'origine ; être désabusés ou avoir des remords ou encore rechercher des conditions de vie meilleures. Selon leur profil et le niveau de suivi et de surveillance mis en œuvre par leur État d'origine, ils peuvent être poursuivis ou soumis à des mesures de resocialisation.

Travail de sortie Les termes « sortie » et « travail de sortie » (exit et exit work en anglais) sont souvent employés pour décrire des mesures et des offres adressées aux individus radicalisés et aux extrémistes, dans le but de les aider à se distancier des environnements extrémistes et se désengager des groupes et comportements violents. Le travail de sortie, généralement mené par des ONG spécialisées, s'attache à l'identité du client, ses besoins personnels et ceux liés à sa famille, ses attitudes, son comportement et ses relations sociales et de voisinage. Si les programmes de sortie sont principalement axés sur le désengagement (aspects comportementaux, refus de la violence), ils peuvent aussi comprendre des mesures de déradicalisation (aspects cognitifs, remise en question de l'idéologie). Le but du travail de sortie est la réhabilitation de la personne concernée, sa resocialisation et sa réintégration au sein de la société.

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PREPARE La prévention de la radicalisation dans le cadre de la probation et de la sortie de prison - Perspectives et pratiques locales Le moment où un délinquant ou criminel est libéré de prison est particulièrement important : c'est là qu'il peut soit réussir sa réinsertion dans la société, soit au contraire dériver vers la récidive. Ceci est vrai pour tous les types de délinquants et aussi, particulièrement, pour ceux condamnés pour des délits liés à l'extrémisme violent ou au terrorisme. Pour ces délinquants, la libération et la période de probation ouvrent une fenêtre d'intervention précieuse, durant laquelle il est possible de s'assurer qu'ils ont bien abandonné les idéologies radicales qui ont inspiré leur crime et qu'ils reçoivent un soutien pour réintégrer la société. Les autorités locales peuvent jouer un rôle clé dans la poursuite de cet objectif en coordonnant la coopération entre les différentes institutions et organisations concernées. Leur expérience en matière de politiques locales contre la radicalisation menant à l'extrémisme violent et de prévention de la récidive fait d'elles des acteurs importants dans le processus de réhabilitation et de réintégration des délinquants extrémistes.

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